Suite au courrier de Xavier Darcos sur le report d’un an de la réforme des concours au communiqué de la coordination nationale des universités le qualifiant de « simulacre de recul », quelques autres analyse et opinions de collègues sur le sujet :
- Autres analyses émanant de collègues :
« Il n’y a pas de report de la masterisation !!!!
Ce qu’indique la lettre de Darcos, c’est un « maintien des concours […] dans leur état actuel pour la session 2010« , ceci « afin de permettre l’adaptation progressive de l’appareil universitaire de formation » (c’est moi qui souligne). Or, il y a deux volets à la réforme dite de « masterisation » :
1) la modification des contenus du concours (notamment l’apparition d’une épreuve dite « de connaissance du système », avec des « membres de la société civile » dans le jury, et la modification du poids des épreuves didactiques et disciplinaires)
2) la modification de la formation des enseignants, avec la création de « masters [professionels] d’enseignement », et la déconnexion entre formation et recrutement
Pour le point 1 (modalités du concours), Darcos et Pécresse avaient déjà laissé entendre dans leur communiqué commun du 12 mars qu’une « année de transition » serait nécessaire, et ils avaient par exemple reculé sur l’épreuve de « connaissance du système éducatif » (dans la phase transitoire). Le maintien des concours dans leur forme actuelle pour la session 2010 est donc un recul supplémentaire, dans la logique de ce qui avait été obtenu. Il faut s’en féliciter.
Mais le point 2 (articulation formation / concours de recrutement) est central dans le dispositif de « masterisation », puisqu’il modifie le système en permettant de former les futurs enseignants (obtention du master) avant leur recrutement (admission au concours). C’est lui qui introduit la logique de formation d’enseignants qualifiés (= titulaires d’un « master d’enseignement) mais qui ne seront pas recrutés comme fonctionnaires dans le service public de l’éducation nationale (car recalés au concours).
Ce processus de casse du statut des enseignants (des premier et second degrés), couplé avec la facilitation du recrutement de précaires (notamment par la création de l’ANR bis = Agence Nationale de Remplacement) n’est en rien « reporté » par le nouveau communiqué de Darcos.
Bien au contraire, il s’agit d’une manoeuvre visant à faire entrer les universités dans la logique de « masterisation » (= sortir du système actuel de formation) en promettant qu’un suivi et des négociations permettront de « préciser des éléments » et « d’approfondir des pistes de travail ». Mais une fois le doigt pris dans l’engrenage, c’est bien vers la « masterisation version Darcos/Pécresse » que l’on s’oriente. Et d’ailleurs le concours sera lui-même modifié à la session 2011.
Encore une fois, il faut souligner les « reculs tactiques » imposés au gouvernement par notre mouvement, qui prouvent l’importance de celui-ci, mais ne pas se tromper : l’objectif du retrait du projet actuel de masterisation n’est en aucun cas atteint ! »
- Autre analyse d’un collègue de Sud Education
« Comme vous l’aurez certainement lu sur les sites médiatiques, Xavier Darcos a annoncé un report d’un an, en ce qui concerne la réforme sur la formation des maîtres. Il s’agit là d’un faux recul, à l’image de celui sur la réforme du lycée. Du coup, les mêmes débats se posent ; il s’agit de poursuivre le rapport de force pour obtenir un retrait total de cette réforme. En effet, il ne me semble pas que nous nous mobilisions pas contre le calendrier de mise en place, mais plutôt contre la réforme elle-même. Or, il est très difficile d’envisager aujourd’hui de construire une nouvelle mobilisation l’année prochaine.
La réforme dite « de masterisation », a pour enjeu d’exiger le niveau master aux candidats du CAPES, imposant ainsi deux années supplémentaire aux étudiants, y compris aux étudiants précaires qui devront donc financer deux années d’études supplémentaires. La réforme inclut également la refonte des IUFM au sein des universités auxquelles ils sont rattachés, mettant donc un gros point d’interrogation sur l’enseignement pédagogique vis à vis des futurs enseignants. Elle comprend aussi la réduction de l’année de stage rémunéré obligatoire, qui en plus de constituer un revenu sur lequel s’appuyer lors des études, représente surtout une approche indispensable au métier d’enseignant du primaire ou du secondaire, une approche des élèves qui paraît indispensable pour bien se préparer à ce merveilleux métier. Finalement, cette réforme constitue une compression de la formation des maîtres, et la « masterisation » des enseignants aboutirait en fait à une déqualification des enseignants et des enseignements.
Au delà de cela, elle illustre la politique actuelle de précarisation dans l’éducation nationale, notamment via la contractualisation des personnels, ou encore l’annualisation des salaires. Ne nous mentons pas, la refonte des IUFM et la création du Master Pro « Sciences de l’enseignement » annonce une suppression à court terme des concours du CAPES, qui avait notamment vocation à recruter les professeurs au plan national pour permettre une répartition du corps enseignant. Par conséquent, on se dirige de plus en plus vers un recrutement des enseignants qui se ferait Académie par Académie, voire établissement par établissement, comme c’est le cas chez les Assistants Pédagogiques, les Assistants d’Éducation, et les nouveaux « médiateurs » annoncés par Darcos. Les enseignants ne sont donc pas épargnés par cette politique de précarisation, tendant à faire des établissement scolaires des établissements autonomes comme le sont les universités à présent, et comme le prévoit la réforme du lycée.
Ainsi la boucle est bouclée, et la politique de Darcos montre toute sa cohérence. C’est pourquoi c’est aujourd’hui ou jamais l’occasion d’y mettre un coup d’arrêt. À l’heure où Sarkozy et l’UMP craignent de toute leurs forces une radicalisation du mouvement interprofessionnel, c’est le moment de faire valoir clairement nos revendications, afin de ne pas se laisser berner par les manoeuvres du gouvernement.
L’occasion aussi de mettre un coup d’arrêt à la politique de libéralisation des universités conduite par Valérie Pécresse. Ils ont peur, profitons-en ! »
- Autre analyse en forme de synthèse d’une collègue :
Point 1
Ouverture de discussions sur la place du concours … mais le ministère campe sur la position du concours en M2, la discussion ne porterait que sur la place dans l’année de M2. La place du concours en M2 avait été signalée comme un point d’achoppement fort, car la focalisation sur le concours mobiliserait toute l’énergie des étudiants, au détriment des autres aspects des études et de la formation. Certes ce risque serait minimisé si le concours était placé en début d’année, mais, même dans ce cas d’autres problèmes demeurent :
- à l’issue du concours, certains étudiants seront lauréats, d’autres non. L’organisation d’un cursus commun à cette double
- cohorte risque d’être délicate. – on ne connaîtra le nombre d’étudiants reçus et le nombre d’étudiants collés qu’à l’issue du concours, or cette donnée est nécessaire pour l’organisation de la formation et en particulier des stages en responsabilité. Le problème sera surtout crucial pour les CAPES, CPE , CAPLP, COP car le nombre de lauréats par académie est imprévisible.
Conclusion : il n’y a pas véritablement d’espace de négociation : seul le mois du concours est proposé à la discussion, l’année du
concours n’est pas soumise à discussion. Bref, l’année de M2 reste problématique
Point 2
Aucune précision technique (durée ? rémunération ? qui aura droit à ces stages ?…), donc aucune garantie.
Point 3
Rien de précis sur le dispositif annoncé. Maintien de la proposition d’aide sous forme de postes d’AED. Or ce type de poste est incompatible avec la poursuite d’un master et la préparation d’un concours
Conclusion : ce point n’apporte aucune information nouvelle, le ministère reste sur ses positions.
Point 4
Seul un tiers du temps de l’année de stage est prévu pour la formation. Pendant très longtemps, la première année d’exercice les professeurs stagiaires assuraient un tiers de service et disposaient des 2 autres tiers de l’année pour se former et préparer leurs cours. La proportion serait donc inversée.
Conclusion : ce point n’apporte aucun élément nouveau, le ministère reste sur ses positions.
Point 5
Point positif : il est fait mention des maîtres-formateurs Point ambigu: il n’est pas fait mention des IUFM La notion de « tuteur » n’est pas définie.
Point 6
Le texte : annonce des négociations sur la revalorisation mais ne dit rien de précis,
Conclusion : ce point n’apporte aucune information nouvelle.
Point 7
Simple annonce de la prise en compte d’un thème de discussion Conclusion : ce point n’apporte aucune information nouvelle.
Point 8 : le ministère fait en sorte que la rentrée 2009 soit un bazar monstrueux !!!
Ce que le ministère présente comme une concession n’en est pas :
– l’autorisation de se représenter aux concours (ce qui n’est pas la même chose que l’autorisation de doublement) accordée aux candidats présents aux épreuves d’admissibilité n’est pas un cadeau, c’est un droit
Point éminemment problématique :
« pourront également se présenter aux concours de la session 2010, les étudiants inscrits en M1 à la rentrée universitaire 2009 »
– cela suppose que les masters soient mis en place dès la rentrée 2009. Autrement dit que les maquettes aient été déposées ou le soient dans 10 jours.
– or les maquettes déposées, et celles qui sont en cours d’élaboration, ont été établies à partir d’un cahier des charges
prévoyant que le concours serait passé en M2 ( cette contrainte était d’ailleurs l’un des points les plus contestés !).
le ministère fait donc le forcing pour obtenir le dépôt des maquettes Examinons la situation sans la penser en termes de concurrence, comme le ministère tente de nous le faire faire
On aurait à la rentrée 2009 :
– des établissements qui n’auraient pas déposé de master (en particulier les IUFM) et qui donc ne pourraient accueillir des
étudiants préparant les concours. Les IUFM dans ce cas n’auraient comme étudiants à la rentrée 2009 que les lauréats des concours de cette année. Les universités intégratrices seront amenées à réorganiser profondément leurs services pour gérer cette difficulté.
– des établissements qui ont déposé les nouveaux masters, et qui avaient déjà des masters traditionnels. Dans ces établissements, certains étudiants d’une même filière passeraient le concours en M1, tandis que d’autres le passeraient en M2… on imagine la pagaille…
– des étudiants qui auraient des difficultés à s’inscrire à des préparations convenant à leur cas.
La situation serait dramatique pour la préparation au concours de professeurs des écoles et au CAPLP car les IUFM n’auraient pas de masters où les inscrire, et même si des universités proposent des masters préparant à ces concours, leur offre est très insuffisante, et inappropriée car elle prévoit que le concours se passera en M2.
– des étudiants qui prépareraient les concours en M1 et qui l’année suivante seraient disponibles pour leur master, condition
indispensable pour être recrutée comme stagiaires, tandis que d’autres passeraient leur concours lors de l’année M2
Bref, sur une même académie des offres de master illisibles pour les étudiants
Point 9
Seul point vraiment positif de l’ensemble : le maintien des concours sous leur forme actuelle
Mais il manque le maintien des dispositifs de formation
Point 10 aucun changement par rapport aux mesures déjà annoncées
Conclusion d’ensemble :
La seule avancée est celle du maintien des concours sous leur forme actuelle. Mais elle n’est pas assortie des autres éléments qui
permettraient la sortie de crise.
0) Le gouvernement joue le meme jeu sur la masterisation que pour le decret statuts: laisser croire et dire aux grands medias que les avancees sont significatives, avec des modifications fortes dans la forme, mais insignifiantes dans le fond.
1) la reforme contestee comprend deux volets: de nouveaux concours, et de nouveaux masters enseignement. L’entree en vigueur des nouveaux concours est reportee d’1 an, mais l’entree en vigueur des nouveaux masters debute en septembre 2009. Un semi report ne permettant pas de discussion ouverte sur l’ensemble du projet, donc,puisque les masters sont maintenus!
2) un point cle de cette reforme est le devenir des « recus-colles », recus au master, colles au concours. Ce point est inchange, aucun progres donc. Dans mon UFR, les tableaux d’affichage pour les etudiants sont tapisses d’annonces du rectorat offrant des CDD aux etudiants titulaires d’une licence. C’est ce qui se generalisera si la reforme passe.
3) Les etudiants voient leur formation non remuneree s’allonger d’un an, aucun progres donc, y compris pour les personnes qui reussiront le concours en 2009/2010, qui devront faire un master 2, et attendre un an sans etre payes (recrutement effectif en septembre 2011!) Nous n’avons aucune garantie sur le systeme de bourses. En Picardie, avec environ 50% d’etudiants boursiers, effet catastrophique garanti sur la diversite sociale des futurs profs. Par ailleurs, il est irrealiste de preparer un concours tout en travaillant comme assistant d’education. Ce moyen de financement des etudes est totalement hypocrite.
4) Un point qui preoccupe grandement les universitaires est l’impossibilite totale de preparer a la fois a un concours (travail de
synthese de larges pans de connaissances) et de faire un travail de recherche en master (travail de recherche tres pointu sur un sujet extremement precis). Aucune avancee sur ce point.
5) Aucune precision sur le volume de stage: les 108h de stage sont un maximum, qui ne sera absolument pas garanti, et que de nombreuses academies seront dans l’incapacite de proposer a proximite du lieu du master (en Picardie, les stages actuels ont lieu sur toute l’academie. Les stages de master, entre deux cours, devraient avoir lieu a proximite d’Amiens, ce qui s’annonce fort difficile)
6) Avancee mineure sur l’annee de stage apres le master, avec une decharge d’1/3 de service (au lieu de 2/3!) Il fallait bien un
pretexte pour pretendre a un recul du gouvernement
7) Aucune avancee sur les exigences disciplinaires des masters et concours.
Une seule conclusion, nous voulons le RETRAIT!
Je me suis livrée comme tout un chacun à l’analyse et au décryptage point par point de la lettre de Darcos. Tout converge donc je ne reprendrai pas ce qui a été déjà été dit, mon message est déjà beaucoup trop long. (…) Un effet pervers supplémentaire qui semble -t-il n’a pas encore été évoqué. Il s’agit du point 8 (le plus long) qui prévoit qu’en cas de réussite au concours des
étudiants en M1, le bénéfice du concours est maintenu un an pour pouvoir s’inscrire en M2 l’année d’après.
Deux remarques :
1/ Quid des inscrits en M2 qui auraient le concours et pas le master ? Perdraient-ils le bénéfice du concours ?
2/ Quid du nombre de postes à pourvoir en 2011 si une partie des reçus au concours continue les études en M2 ? Une autre façon perverse de récupérer des postes sans même avoir à annoncer qu’ils sont supprimés. On peut bien alors afficher que le nombre de places aux concours des premier et second degré seront les mêmes qu’en 2009. Stratégie identique à celle utilisée pour faire disparaître les IUFM sans le dire mais en mettant en place un dispositif qui les anéantit. Même pas besoin de publier un décret !
Enfin, le premier point de la lettre entérine le concours en M2 et obère toute remise à plat et toute discussion sur la place du concours dans le continuum de formation. Or, c’est le coeur du problème, ce par quoi il nous faut commencer à discuter, débattre, proposer. Car effectivement, nous ne sommes pas d’accord sur cette question mais ce n’est pas une raison pour ne
pas la regarder en face, se l’emparer pour ne pas laisser – une fois de plus – à d’autres le soin de penser pour nous. C’est dans cet état d’esprit que nous organisons le 31 mars une journée d’étude à Toulouse. Les inscriptions à cette journée sont en ligne sur notre blog. http://www.metier-prof.org/
Ce n’est qu’une première étape bien sûr, une contribution à l’action et la réflexion collective. Nous avons jugé opportun de ne mettre qu’une seule question à l’ordre du jour : la place et le contenu des concours dans la formation des enseignants et des CPE. Si les négociations s’ouvrent, il nous faut avoir des éléments à mettre sur la table, auparavant il nous faut en débattre. C’était l’esprit des assises du 2 juillet 2008. 10 mois après, où en sommes-nous de cette réflexion ? Ces journées – à l’initiative des usagers et soutenues par le personnel enseignant et BIATOS – sont ouvertes à tous-toutes. J’en profite pour lancer une invitation.
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