Communiqué de G. Molinié : « Cette contestation, il n’est pas question aujourd’hui d’y renoncer »

Communiqué du président de l’université Paris-Sorbonne
20 mai 2009

L’assemblée des trois conseils centraux et l’assemblée générale des étudiants et des personnels de l’université ont décidé hier, le même jour, de faire en sorte que la fin de l’année universitaire puisse aboutir à une forme de validation acceptable pour les enseignements du second semestre 2008-2009.
Il faut saluer cette convergence, qui fait l’honneur de toute notre communauté universitaire à un moment particulièrement critique.
C’était la voie de la raison et le choix de la responsabilité, la seule issue possible pour éviter que des milliers d’étudiants, pris en otage par l’obstination gouvernementale, ne perdent une année d’études.
Mais ce n’est une victoire pour personne.
Les réformes très largement contestées que les ministères de l’Education nationale d’une part, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche d’autre part, entendent imposer par la force, n’ont pas été retirées et sont d’ores et déjà en voie d’application. Depuis l’automne, elles ont semé le chaos dans les universités. Demain, elles bouleverseront le fonctionnement de la recherche, la formation des enseignants, l’ensemble du système éducatif.
En s’engageant résolument dans le refus de tels désordres, notre université a pleinement joué son rôle, critique et responsable. Dans l’unité de toutes les forces qui la composent, étudiants, personnels BIATOSS, enseignants, elle a porté une contestation massive, pacifique, argumentée.
Cette contestation, il n’est pas question aujourd’hui d’y renoncer. Elle doit prendre désormais d’autres formes. L’heure n’est pas à la résignation mais, plus que jamais, à la vigilance et à l’action critique.

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Les Grands Débats de l’EHESS :­ une initiative dans le mouvement pour la recherche et l’enseignement supérieur.

Les Grands Débats de l’EHESS :­ une initiative dans le mouvement pour la recherche et l’enseignement supérieur.
Mercredi 20 mai 2009, Amphithéâtre du 105 Bd. Raspail, de 17h à 19h

A l’occasion de la parution du numéro 33 de La Revue du MAUSS, « La crise de l’Université. Mort ou résurrection ? », la présentation de ce volume sera également l’occasion d’un débat autour du « Manifeste pour refonder l’Université française », lancé ces derniers jours par 29 universitaires (http://petitions.alter.eu.org/index.php?petition=7)

Interviendront notamment dans ce débat quatre des initiateurs de ce manifeste : Olivier Beaud (Paris II), Alain Caillé (Paris X), Marcel Gauchet (EHESS) et François Vatin (Paris X).

Refonder l’université française.

Au moment où le conflit universitaire s’enlise, nous vous signalons l’initiative prise par  un certain nombre d’universitaires, sous la forme d’un appel à « Refonder l’Université française ». Ce manifeste – que vous trouverez en pièce jointe – s’inscrit dans le prolongement direct du numéro spécial de la revue du MAUSS récemment publié (numéro 33, Editions de la Découverte, 379 p.), intitulé « La crise de l’Université. Mort ou résurrection ? » et plus particulièrement de l’article rédigé par Alain Caillé et François Vatin (« Onze propositions de réforme pour l’Université »).

Rendu public hier, et déjà repris par certains journaux (Le Monde, Médiapart) sur leurs sites respectifs, le « Manifeste pour Refonder l’Université française » peut désormais être signé à l’adresse suivante :

http://petitions.alter.eu.org/refonder

Préambule

Il est désormais évident que l’Université française n’est plus seulement en crise. Elle est, pour nombre de ses composantes, à peu près à l’agonie. Qu’on comprenne bien ce que cela signifie. L’Université n’est pas tout l’enseignement supérieur français. Les classes préparatoires, celles de BTS, les IUT (lesquels font formellement partie des universités), et l’ensemble des petites, moyennes ou grandes écoles, publiques ou privées recrutent largement. Mais c’est au détriment des formations universitaires, que les étudiants désertent de plus en plus, et cela tout particulièrement pour les études scientifiques. Le secteur non universitaire de l’enseignement supérieur offre des formations techniques et professionnelles, parfois de qualité, mais parfois aussi très médiocres. Même si la situation évolue depuis quelques années pour sa fraction supérieure (les « grandes écoles »), ce secteur n’a pas vocation à développer la recherche et à donner des outils de culture et de pensée, et guère les moyens humains et scientifiques de le faire. C’est dans les universités que l’on trouve la grande majorité des savants, des chercheurs et des professionnels de la pensée. Pourtant, alors qu’on évoque l’émergence d’une « société de la connaissance », nos universités ont de moins en moins d’étudiants et ceux-ci sont rarement les meilleurs. Une telle situation est absurde. Dans aucun pays au monde l’Université n’est ainsi le maillon faible de l’enseignement supérieur.

Le processus engagé depuis déjà plusieurs décennies ne conduit pas à la réforme de l’Université française, mais à son contournement. Il ne s’agit pas en disant cela de dénoncer un quelconque complot, mais de prendre acte de la dynamique d’un système à laquelle chacun contribue par ses « petites décisions » ou par sa politique : les étudiants, leurs familles, les lycées, publics et privés, les entrepreneurs d’éducation, les collectivités locales et, in fine, l’État lui-même. Le déclin de l’Université, matériel, financier et moral, est désormais bien trop avancé pour qu’on puisse se borner à repousser les réformes proposées. Si des solutions susceptibles de réunir un très large consensus parmi les universitaires et les chercheurs mais aussi au sein de l’ensemble de la société française ne sont pas très rapidement formulées, la catastrophe culturelle et scientifique sera consommée. Or de qui de telles propositions pourraient-elles procéder sinon des universitaires eux-mêmes ? C’est dans cet esprit que les signataires du présent manifeste, très divers dans leurs choix politiques ou idéologiques, y compris dans leur appréciation de la loi LRU, ont tenté d’identifier les points sur lesquels un très large accord pouvait réunir tous les universitaires responsables et conscients des enjeux. L’enjeu n’est rien moins que de refonder l’Université française en la replaçant au centre de l’enseignement supérieur.

Propositions

1. Quant à la place de l’Université

Une des principales raisons du marasme de l’Université française est qu’elle se trouve en situation de concurrence déloyale avec tout le reste du système d’enseignement supérieur (classes préparatoires et de BTS, IUT, écoles de tous types et de tous niveaux), toutes institutions en général mieux dotées per capita et davantage maîtresses du recrutement de leur public. On touche là à un des non-dits récurrents de toutes les réformes qui se sont succédé en France. Cette situation est d’autant plus délétère que la gestion de l’enseignement supérieur dans son ensemble dépend d’autorités ministérielles et administratives distinctes (l’enseignement secondaire pour les classes préparatoires et les STS, les ministères sectoriels pour les écoles professionnelles diverses), voire échappe à tout contrôle politique. Imagine-t-on un ministère de la Santé qui n’ait que la tutelle des hôpitaux publics ! La condition première d’une refondation de l’Université est donc que le ministère de l’Enseignement supérieur exerce une responsabilité effective sur l’ensemble de l’enseignement supérieur, public ou privé, généraliste ou professionnel. C’est à cette condition impérative qu’il deviendra possible d’établir une véritable politique de l’enseignement supérieur en France et de définir la place qui revient à l’Université dans l’ensemble de l’enseignement supérieur.

Plus spécifiquement, un tel ministère aura pour mission première de créer un grand service public propédeutique de premier cycle réunissant (ce qui ne veut pas dire normalisant dans un cycle uniforme) IUT, BTS, classes préparatoires et cursus universitaires de licence. Il lui faudra également procéder à une sorte d’hybridation entre la logique pédagogique des classes supérieures de l’enseignement secondaire et des écoles professionnelles d’une part, et celle des universités d’autre part ; c’est-à-dire introduire davantage l’esprit de recherche dans les premières et, symétriquement, renforcer l’encadrement pédagogique dans les secondes.
2. Quant aux missions de l’Université

La mission première de l’Université est de produire et de transmettre des savoirs à la fois légitimes et innovants. Assurément, d’autres missions lui incombent également. Elle ne peut notamment se désintéresser de l’avenir professionnel des étudiants qu’elle forme. Elle est par ailleurs responsable de la qualité de la formation initiale et continue qu’elle délivre et de la transmission des moyens intellectuels, scientifiques et culturels à-même d’assurer une citoyenneté démocratique éclairée.

Deux principes doivent commander l’articulation entre ces différentes missions : d’une part, le souci primordial de la qualité et de la fiabilité des connaissances produites et transmises ; d’autre part, la distinction nécessaire entre missions des universités et missions des universitaires, soit entre ce qui incombe à l’établissement considéré globalement et ce qui incombe individuellement aux enseignants-chercheurs et chercheurs.

Parce qu’une université doit être administrée, pédagogiquement et scientifiquement, et se préoccuper de la destinée professionnelle de ses étudiants, il est nécessaire qu’elle dispose en quantité et en qualité suffisante de personnels administratifs et techniques spécialisés dans ces tâches. Il incombe en revanche à des universitaires volontaires d’en assurer le pilotage. D’importantes décharges de service d’enseignement doivent alors leur être octroyées.

Quant au service d’enseignement lui-même, sauf heures complémentaires librement choisies, il ne saurait excéder les normes précédemment en vigueur. De même, le régime d’années ou semestres sabbatiques de recherche, qui est la norme dans toutes les universités du monde, doit être à la hauteur de la vocation intellectuelle de l’Université, et non plus géré de façon malthusienne.
3. Quant aux cursus

Il convient de distinguer clairement l’accès à l’enseignement supérieur pour les bacheliers et l’accès aux masters.

En ce qui concerne l’entrée en licence, il convient de rappeler que le principe du libre accès de tout bachelier à l’enseignement supérieur est, en France, un des symboles mêmes de la démocratie, le pilier d’un droit à la formation pour tous. Il n’est ni possible ni souhaitable de revenir sur ce principe. Mais il n’en résulte pas, dans l’intérêt même des étudiants, que n’importe quel baccalauréat puisse donner accès de plein droit à n’importe quelle filière universitaire. Pour pouvoir accueillir à l’Université les divers publics issus des baccalauréats, il faut y créer aussi des parcours différenciés. Seule une modulation des formations pourra permettre de concilier les deux versants de l’idéal universitaire démocratique : l’excellence scientifique, raison d’être de l’Université, et le droit à la formation pour tous, qui la fonde en tant que service public. Il convient donc à la fois de permettre une remise à niveau de ceux qui ne peuvent accéder immédiatement aux exigences universitaires par exemple en créant des cursus de licence en 4 ans , et de renforcer la formation pour d’autres publics, par exemple en créant des licences bi-disciplinaires qui incarnent une des traductions concrètes possibles de l’idéal d’interdisciplinarité, si souvent proclamé et si rarement respecté. Il convient du même coup que l’Université puisse sélectionner ses futurs étudiants selon des modalités diverses, permettant d’identifier les perspectives d’orientation des étudiants et d’y associer un cursus adapté.

Une telle modification des règles du jeu universitaire ne peut toutefois être introduite sans qu’elle s’accompagne d’une amélioration substantielle de la condition étudiante en termes de financement et de conditions de travail. Le refus actuel de regarder en face la variété des publics étudiants conduit en effet à leur paupérisation et à la dégradation de leur situation matérielle et intellectuelle au sein des Universités. L’idée d’un capital minimum de départ attribué à chaque étudiant mérite à cet égard d’être envisagée.

En ce qui concerne les études de master, il est, de toute évidence, indispensable d’instaurer une sélection à l’entrée en première année et non en deuxième année, comme c’est le cas actuellement en application de la réforme des cursus de 2002 qui a créé le grade de master (système « LMD »). La rupture ainsi introduite au sein du cycle d’études de master a d’emblée fragilisé ces nouveaux diplômes, en comparaison des anciens DEA et DESS qu’ils remplaçaient. Il faut également supprimer la distinction entre masters professionnels et masters recherche qui conduit paradoxalement à drainer vers les cursus professionnels les meilleurs étudiants, ceux qui seraient précisément en mesure de mener des études doctorales.
4. Quant à la gouvernance

Tout le monde s’accorde sur la nécessaire autonomie des universités. Mais ce principe peut être interprété de manières diamétralement opposées. Sur ce point la discussion doit être largement ouverte, mais obéir à un double souci. D’une part, il convient de ne pas confondre autonomie de gestion (principalement locale) et autonomie scientifique (indissociable de garanties statutaires nationales). D’autre part, pour assurer la vitalité démocratique et scientifique des collectifs d’enseignants-chercheurs, qui forment en propre l’Université, il est indispensable de concevoir des montages institutionnels qui assurent au corps universitaire de réels contre-pouvoirs face aux présidents d’Université et aux conseils d’administration, ce qui suppose des aménagements significatifs de la loi LRU. Il faut, en somme, redonner au principe de la collégialité universitaire la place déterminante qui lui revient et qui caractérise l’institution universitaire dans toutes les sociétés démocratiques. Le renouveau de ce principe de collégialité doit aller de pair avec une réforme du recrutement des universitaires qui permette d’échapper au clientélisme et au localisme.

Par ailleurs il est clair que l’autonomie ne peut avoir de sens que pour des universités qui voient leurs ressources augmenter et qui n’héritent pas seulement de dettes. En ce qui concerne la recherche, cela signifie que les ressources de financement proposées sur appels d’offre par les agences ne soient pas prélevées sur les masses budgétaires antérieurement dédiées aux subventions de financement des laboratoires, mais viennent s’y ajouter. De manière plus générale, en matière de recherche, il convient de mettre un terme à la concurrence généralisée entre équipes, induite par la généralisation du financement contractuel, lequel engendre souvent un véritable gaspillage des ressources, en garantissant aux laboratoires un certain volume de soutien financier inconditionnel accordé a priori et évalué a posteriori, notablement plus important qu’il ne l’est aujourd’hui.

Conclusion

Bien d’autres points mériteraient assurément d’être précisés. Mais les principes énoncés ci-dessus suffisent à dessiner les contours d’une Université digne de ce nom. Nous appelons donc tous ceux de nos collègues et nous espérons qu’ils représentent la très grande majorité de la communauté universitaire et scientifique à nous rejoindre en signant ce Manifeste à l’adresse internet suivante. Celui-ci pourrait servir de point de départ à une véritable négociation, et non à des simulacres de concertation, et être à la base d’une auto-organisation d’États généraux de l’Université.
Premiers signataires :

Olivier Beaud, professeur de droit public à Paris II
Laurent Bouvet, professeur de science politique à l’université de Nice Sophia-Antipolis
François Bouvier, ancien directeur au Muséum National d’Histoire Naturelle
Alain Caillé, professeur de sociologie à Paris Ouest-Nanterre- La Défense
Guy Carcassonne, professeur de droit public à Paris Ouest -La Défense
Jean-François Chanet, professeur d’Histoire à Lille III
Philippe Chanial, maître de conférences en sociologie à Paris IX-Dauphine
Olivier Christin, historien, président de Lyon II
Franck Cochoy, professeur de sociologie à Toulouse II
Jean-Pierre Demailly, Mathématicien, Professeur à l’Université de Grenoble I, Académie des Sciences
Vincent Descombes, philosophe, directeur d’études à l’EHESS
Olivier Duhamel, professeur de droit public à l’IEP Paris
François Dubet, professeur de sociologie à Bordeaux II et directeur d’études à l’EHESS
Pierre Encrenaz, professeur de physique a l UPMC et à l’Observatoire de Paris, membre de l’Académie des Sciences .
Olivier Favereau, économiste, professeur à Paris Ouest-Nanterre- La Défense
Marcel Gauchet, philosophe, directeur d’études à l’EHESS
Bruno Karsenti, philosophe, directeur d’études à l’EHESS
Philippe de Lara, maître de conférences en science politique à Paris II
Guy Le Lay, professeur de physique à l’Université de Provence
Franck Lessay, Professeur à Paris III (Institut du Monde Anglophone)
Yves Lichtenberger, professeur de sociologie à Paris Est- Marne la Vallée
Bernadette Madeuf, économiste, présidente de Paris Ouest-Nanterre- La Défense
Dominique Méda, sociologue, directrice de recherches au Centre de Recherches pour l’Emploi
Pierre Musso, Professeur de sciences de l’information et de la communication à l’Université Rennes II
Catherine Paradeise, professeur de sociologie à Paris Est- Marne la Vallée
Philippe Raynaud, philosophe, professeur de sciences politiques à Paris II
Philippe Rollet, professeur de sciences économiques, président de Lille I
Pierre Schapira, professeur de mathématiques à Paris VI, Université Pierre et Marie Curie
Pierre Sineux, professeur d’histoire, vice-président de l’université de Caen
Frédéric Sudre, professeur de droit public à Montpellier I, président de la Section 02
(Droit Public) du CNU
François Vatin, professeur de sociologie à Paris Ouest-Nanterre- La Défense
Michèle Weindenfeld, maître de conférences de mathématiques, université d’Amiens

6 présidents d’université en appellent au chef de l’état.

Monsieur le président de la République,

Si nous nous permettons de nous adresser à vous maintenant, c’est que la situation dans les universités est grave.

Quelle que soit la façon dont on vous présente les choses, aussi bien officiellement que dans les médias, la confusion règne : on vous dit à la fois qu’il ne se passe rien de considérable et que tout rentre dans l’ordre, et en même temps que l’année risque d’être perdue dans des troubles et des désordres intolérables. C’est là un tableau pour le moins contradictoire.

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La réalité est certes contrastée. Mais, dans certains établissements et dans certaines filières, il n’est pas sûr que les examens puissent se tenir dans des conditions correctes ni même simplement se tenir. Et la solution du décalage au début de l’été pas davantage le basculement en septembre ne constituent la moindre solution à ce type de problème. Il y a risque réel de non-validation du semestre, donc de l’année, ce qui est aussi catastrophique pour les étudiants qu’ingérable pour nos administrations – sauf à laisser les universités éventuellement concernées inventer, dans le cadre de leur autonomie, des modes de règlement du problème indépendants des contrôles strictement bureaucratiques des tutelles : à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles.

Quel est l’état d’esprit des acteurs de la communauté universitaire ? On peut le présenter sous deux aspects. L’un d’eux, que vous avez sans doute perçu dès le début de la crise, c’est l’opposition et la colère de la quasi-unanimité des parties prenantes (sociétés savantes, organes décisionnels professionnels de l’enseignement supérieur, structures académiques, syndicats de tous bords…) vis-à-vis des deux grands chantiers que vos ministères ont ouverts : la réforme des statuts des enseignants-chercheurs et l’ensemble du dispositif de la formation et du recrutement des professeurs des écoles et des lycées et collèges. Une telle union n’avait jamais été vue.

Le second aspect est davantage et durablement porteur de tensions. Comme le traitement du premier point reste ambigu, subsiste une impression diffuse et tenace d’une volonté ministérielle de passer systématiquement outre les avis de la communauté universitaire. Pour parler clair, beaucoup n’ont plus confiance.

Pourtant, toutes les raisons ont été largement, clairement et publiquement expliquées qui entraînent à voir dans les mesures prises un ensemble de réformes sans grand impact positif, voire aggravantes, menées dans la précipitation et sans réelle consultation d’une communauté universitaire habituée à la collégialité dans la prise de décisions et encouragée depuis des années dans l’idée et la pratique qu’elle doit s’investir dans le gouvernement de l’enseignement supérieur et de la recherche.

La sagesse consiste évidemment à décider un moratoire, de manière à favoriser une réflexion réelle, et collective, sur cette question qui déborde amplement le milieu universitaire, et qui touche, justement parce que nous sommes une démocratie, tous les enfants de toutes les familles du pays.

Or que constatons-nous ? Il n’y a ni suspension ni moratoire – mais une série de mesures, d’indications, de commissions, de projets, d’annonces, qui conduisent à faire entériner des dispositifs confus, peu lisibles et globalement nocifs. D’où un sentiment général d’amertume, de colère, de rancoeur, voire de désespoir, qui aboutit à un mélange de consternation et de radicalisation avec le risque de comportements de plus en plus incontrôlables. C’est miracle que l’on en ait jusqu’à maintenant limité la propagation.

Qu’en sera-t-il quand on sera conduit à envisager que, par suite de l’obstination ministérielle ou d’une démarche excessivement tatillonne de l’administration des tutelles, des milliers d’étudiants puissent perdre leur année ? La démarche actuelle génère, dans le milieu de la culture, de la recherche et de l’enseignement, très attaqué et moqué ces temps-ci, un malaise profond, durable, et aux effets lointains, très peu susceptible de donner de l’attractivité à notre enseignement supérieur et à notre recherche.

Il faut donc, vite, des gestes d’apaisement vigoureux, radicaux et clairs, que vous seul, Monsieur le président de la République, pouvez accomplir avec éclat et avec sagesse. C’est la confiance qu’exprime de la sorte notre profond respect.

Par

  • Pascal Binczak, président de l’université Vincennes-Saint-Denis (Paris-VIII),
  • Lise Dumasy, présidente de l’université Stendhal (Grenoble-III),
  • Anne Fraïsse, présidente de l’université Paul-Valéry (Montpellier-III),
  • Bernadette Madeuf, présidente de l’université Paris-Ouest (Paris-X),
  • Georges Molinié, président de l’université Paris-Sorbonne (Paris-IV),
  • et Philippe Rollet, président de l’université Lille-I, sciences et technologies.

A lire en ligne sur le site du Monde : http://www.lemonde.fr/opinions/article/2009/05/13/sept-presidents-d-universite-en-appellent-au-chef-de-l-etat_1192503_3232.html

« L’autonomie veut dire la mise au pas des universitaires »

UNIVERSITÉS – Marcel Gauchet, historien et philosophe
« L’autonomie veut dire la mise au pas des universitaires »
( Le Monde du 23 avril 2009 )
Extraits :
Dans votre dernier livre, « Conditions de l’éducation », vous mettiez l’accent sur la crise de la connaissance. Le mouvement actuel dans l’enseignement supérieur n’en est-il pas une illustration ?
L’économie a, d’une certaine manière, dévoré la connaissance. Elle lui a imposé un modèle qui en fait une machine à produire des résultats dans l’indifférence à la compréhension et à l’intelligibilité des phénomènes. Or, même si c’est une de ses fonctions, la connaissance ne peut pas servir uniquement à créer de la richesse. Nous avons besoin d’elle pour nous aider à comprendre notre monde. Si l’université n’est plus du tout en position de proposer un savoir de cet ordre, elle aura échoué. Or, les savoirs de ce type ne se laissent ni commander par des comités de pilotage, ni évaluer par des méthodes quantitatives.

(…)

Toutefois, la source du malaise est bien en amont des textes de réforme qui cristallisent aujourd’hui les oppositions.
L’université souffre au premier chef de sa mutation démographique. Elle a mal vécu une massification qui s’est faite sous le signe de la compression des coûts et qui s’est traduite par une paupérisation. Il faut bien voir que nous sommes confrontés ici à un mouvement profond, qui relève de l’évolution des âges de la vie, et qui étire la période de formation jusqu’à 25 ans. L’afflux vers l’enseignement supérieur est donc naturel, indépendamment du contenu offert. Etant donné la culture politique française, dans l’imaginaire collectif, l’université devient le prolongement naturel de l’école républicaine gratuite et presque socialement obligatoire. Je ne crois pas plausible de maintenir le modèle de cette école républicaine jusqu’à 25 ans mais je comprends pourquoi les gens y croient. C’est même constitutif de notre pays. Mais cette spécificité en rencontre une autre, qui joue en sens inverse, à savoir l’existence d’un système à part pour la formation des élites, celui des grandes écoles. Il s’ensuit que nos dirigeants, issus en général de ce circuit d’élite, sont peu intéressés par l’université, quand ils ne la méprisent pas.

(…)

C’est sur un terrain déjà bien miné qu’arrive le mot nouveau d' »autonomie » ?
Ce mot admirable que personne ne peut récuser n’est qu’un mot. Il est illusoire de croire que parce qu’on a le mot, on a la chose. Demandons-nous ce qui se cache derrière ses promesses apparentes. Pour avoir une autonomie véritable, il faut disposer de ressources indépendantes. Or, en France, c’est exclu, puisque le bailleur de fonds reste l’Etat. On peut certes développer des sources de financement autres. Elles font peur à un certain nombre de mes collègues, mais je les rassure tout de suite, ça n’ira jamais très loin : le patronat français ne va pas par miracle se mettre à découvrir les beautés d’un financement qu’il n’a jamais pratiqué. Notre autonomie à la française ne sera donc qu’une autonomie de gestion à l’intérieur de la dépendance financière et du contrôle politique final qui va avec. Le changement est moins spectaculaire que le mot ne le suggère.
D’autres modèles étaient possibles ?
Certains pays de l’Est comme la Pologne ont pris un parti radical dans les années 1990. L’Etat a opéré une dotation des universités en capital et elles sont devenues des établissements indépendants. A elles de faire fructifier leurs moyens et de définir leur politique. Si un tel changement était exclu chez nous, ce n’est pas seulement en raison du « conservatisme » français. C’est aussi et surtout que notre système n’est pas si mauvais et que tout le monde le sait, peu ou prou. A côté de ses défauts manifestes, il possède des vertus cachées.
On pourrait même soutenir, de manière provocatrice, qu’il est l’un des plus compétitifs du monde, dans la mesure où il est l’un de ceux qui font le mieux avec le moins d’argent. C’est bien la définition de la compétitivité, non ? Dans beaucoup de disciplines, nous sommes loin d’être ridicules par rapport à nos collègues américains, avec des moyens dix fois moindres.

(…)

Quelles conséquences l’autonomie aura-t-elle sur la vie professionnelle des enseignants-chercheurs ?
L’autonomie entraîne le passage des enseignants-chercheurs sous la coupe de l’université où ils travaillent. L’établissement, à l’instar de n’importe quelle autre organisation ou entreprise, se voit doté d’une gestion de ses ressources humaines, avec des capacités de définition des carrières et, dans une certaine mesure, des rémunérations. C’est un changement fondamental, puisque d’un statut qui faisait de lui un agent indépendant du progrès de la connaissance, recruté par des procédures rigoureuses et évalué par ses pairs, il passe à celui d’employé de cet établissement.
Jusqu’où va ce « changement fondamental » ?
C’est un changement complet de métier. Il est visible que la mesure de cette transformation n’a pas été prise. L’autonomie des universités veut dire en pratique la mise au pas des universitaires. Toute la philosophie de la loi se ramène à la seule idée de la droite en matière d’éducation, qui est de créer des patrons de PME à tous les niveaux, de la maternelle à l’université. Il paraît que c’est le secret de l’efficacité. On peut juger que le statut antérieur était archaïque et n’était plus tenable à l’époque d’une université de masse, mais encore fallait-il expliciter les termes de cette mutation et clarifier les conséquences à en tirer.
Ce statut était un concentré de l’idée du service public à la française, avec ses équilibres subtils entre la méritocratie, l’émulation et l’égalité. Toutes les universités ne sont pas égales, personne ne l’ignore, mais tout le monde est traité de la même façon. Il n’y a rien de sacro-saint là-dedans, mais on ne peut toucher à tels produits de l’histoire qu’en pleine connaissance de cause et en mettant toutes les données sur la table.

(…)

Quelle sortie de crise imaginez-vous ?
Quelle que soit l’issue du mouvement, le problème de l’université ne sera pas réglé. Le pourrissement est (…) fatal, mais la question restera béante et resurgira. Si le gouvernement croit que parce qu’il a gagné une bataille, il a gagné la guerre, il se trompe. La conséquence la plus grave sera sans doute une détérioration supplémentaire de l’image de l’université, ce qui entraînera la fuite des étudiants qui ont le choix vers d’autres formes d’enseignement supérieur et ne laissera plus à l’université que les étudiants non sélectionnés ailleurs. De quoi rendre le problème encore un peu plus difficile.
Propos recueillis par Maryline Baumard et Marc Dupuis, dans Le Monde du 23 avril 2009
Marcel Gauchet
Historien et philosophe, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, Marcel Gauchet, 62 ans, a publié beaucoup d’articles notamment dans Le Débat, revue dont il est rédacteur en chef. On lui doit aussi de nombreux ouvrages où la démocratie, le pouvoir et le politique sont centraux. La transmission est aussi un sujet qui lui importe et il a cosigné, fin 2008, en collaboration avec Marie-Claude Blais et Dominique Ottavi, Les Conditions de l’éducation (Stock, 2008).

Lettre ouverte à Lionel Collet de la CNU mathématique : alerte à l’évaluation purement bibliométrique !

Veuillez trouver ci-joint copie d’une lettre envoyée à M. Lionel Collet, Président de l’Université Claude Bernard (Lyon 1).
Cette lettre est signée par les deux présidents actuels et les deux présidents précédents des sections de mathématiques du CNU. Elle concerne l’usage de la bibliométrie dans l’évaluation scientifique et l’attribution de moyens aux équipes de recherche.
Elle peut être diffusée.

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Lettre ouverte au Président de l’Université Claude Bernard, Lyon 1.
7 avril 2009

Monsieur le Professeur Lionel COLLET, Monsieur le Président,

Nous sommes les présidents actuels ou récents des sections de mathématiques du Conseil National des Universités. Nous tenons à manifester notre étonnement devant le tableau, en provenance du Conseil Scientifique de l’Université Claude Bernard, qui établit un financement des unités de recherche sur la base directe de critères bibliométriques.
(Nous nous référons ici au document
http://www.univ-lyon1.fr/servlet/com.univ.collaboratif.utils.LectureFichiergw?ID_FICHE=196081&OBJET=0017&ID_FICHIER=143131)
Ce faisant nous relayons un vif émoi de la communauté universitaire française, en particulier des mathématiciens comme en témoignent par exemple les messages incrédules ou indignés échangés sur la liste de diffusion « mathdebat ».
Nous avons compris que ce tableau ne concernait qu’une partie du financement des unités de recherche (un « bonus »), mais nous voyons de graves dangers dans l’utilisation mécanique de critères bibliométriques comme le nombre de publications, de citations ou l’emploi de divers index ou facteurs numériques. Si cette pratique devait s’étendre à l’évaluation des équipes de recherche ou aux évaluations individuelles, le résultat serait désastreux. D’une part, il est impossible d’établir sur des critères bibliométriques des comparaisons sensées entre disciplines différentes (et même entre thématiques d’une même discipline), d’autre part ce que l’on mesure ainsi n’est pas la qualité scientifique (originalité, innovation, profondeur), enfin l’usage exagéré de la bibliométrie entraîne des stratégies de publication et de communication biaisées ; de nombreuses études ont été menées
sur ce sujet et soulignent toutes les limites de cette approche.
En tant que responsables présents ou passés de sections du CNU, nous avons été très impliqués dans les évaluations individuelles d’enseignants-chercheurs. Le décompte des publications et citations est certes utile et pratiqué, mais il est absolument nécessaire qu’il soit couplé avec de nombreuses autres données et une observation critique plus précise assurée par des pairs qualifiés. Les mathématiques françaises sont parfois citées comme un domaine d’excellence ; cette notoriété est plus le fruit d’une analyse qualitative que quantitative. Et quand elle est quantitative, cette analyse est multi-critères : large spectre et difficulté des champs thématiques, participation à des congrès internationaux, qualité des thèses soutenues et essaimage des chercheurs dans les divers organismes de recherche, comité éditoriaux, impact des publications en temps long,…
On trouve sur le site de l’Union Mathématique Internationale un rapport précis et documenté sur l’usage des « Citations Index » dans la politique scientifique. Nous ne pouvons qu’encourager sa lecture ; il est accessible sur
http://www.mathunion.org/publications/report/citationstatistics0/.
Ce débat sur l’usage de la bibliométrie n’est pas neutre car il existe une pression réelle, en particulier dans de nombreux pays étrangers, pour la mise en place de systèmes d’évaluation basés sur des critères bibliométriques mécaniques. C’est aujourd’hui le mérite des sections du CNU et de l’AERES de ne pas avoir emboîté le pas à cette mode qui permettrait de remplacer les experts qualifiés par des technocrates et des ordinateurs. Il ne faudrait pas que cette pratique soit initiée et développée par les établissements d’enseignement supérieur eux-mêmes, dans le cadre de leur autonomie financière et scientifique.
En conclusion, l’émoi provoqué par le tableau du Conseil Scientifique de l’UCB est donc doublement justifié : il est inadapté à la mise en place d’une politique scientifique et il porte le germe d’une contagion dommageable.
Nous tenions à manifester notre sentiment sur la question sensible de l’évaluation bibliométrique, puisque nous savons porter l’opinion d’une large part de la communauté mathématique (et au delà universitaire) française. Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’assurance de notre engagement au service de l’Université et l’expression de nos sentiments respectueux.

Le 7 mars 2009,

  • Fabrice BETHUEL, Président de la Section 26 du CNU, Professeur à l’Université Pierre et Marie Curie, Paris 6.
  • Emmanuel LESIGNE, Président de la Section 26 du CNU entre 2004 et 2007, Professeur à l’Université François Rabelais, Tours.
  • Michel OLIVIER, Président de la Section 25 du CNU entre 2004 et 2007, Professeur à l’Université Bordeaux 1.
  • Marc PEIGNÉ, Président de la Section 25 du CNU, Professeur à l’Université François Rabelais, Tours.

Selon François Bayrou : « On conduit la France vers un modèle qui n’est pas le sien »

Pour information un extrait de : http://abonnes.lemonde.fr/politique/article/2009/04/04/m-bayrou-on-conduit-la-france-vers-un-modele-qui-n-est-pas-le-sien_1176671_823448.html#xtor=EPR-32280153

Vous avez été ministre de l’éducation nationale. Approuvez-vous la réforme de l’université ?

Depuis le début, j’ai averti des difficultés que cette loi allait rencontrer. Les universités ont-elles besoin d’autonomie ? Évidemment, oui. Elles ont besoin de respirer, d’être débarrassées de contraintes bureaucratiques et centralisatrices excessives. Mais doit-on transformer cette autonomie en concurrence entre universités ? Cela ne sera pas accepté. L’université française s’est construite sur le principe de l’unité, avec équivalence des diplômes sur l’ensemble du territoire, évaluation nationale, recrutements par concours. Une autonomie qui impliquerait que chaque établissement ait la maîtrise du choix des étudiants, des enseignants, de leurs salaires, des droits d’inscription, cela ne passera pas.

Assiste-t-on à la coupure entre Nicolas Sarkozy et le monde des « sachants » ?

Le mot de « sachant » ne me convient pas, c’est encore un terme de mépris. Nous assistons à une coupure entre Nicolas Sarkozy et l’ensemble de l’univers du service public, dont il ne comprend pas la vocation. Il veut – c’est une idéologie – imposer aux services publics les principes du marché, de la concurrence généralisée. C’est vrai pour l’université, c’est vrai pour l’hôpital, où la réforme en cours impose une logique strictement gestionnaire, sans aucune considération pour la communauté médicale ni pour les élus. Quand j’ai dit que je ne voterais pas pour Nicolas Sarkozy, c’est parce que je pensais qu’il portait avec lui une politique que la France n’accepterait pas. Moi, en tout cas, je ne l’accepte pas.

« Le triomphe de Sarkozy résulte d’une manipulation à grande échelle des imaginaires. »

Interview de Mona Chollet à lire dans Article XI.

Extraits :

« Ou situez-vous les origines de ce triomphe de l’imaginaire sarkozyste telle que vous le décrivez ?

Il faudrait être un historien pour répondre précisément à cette question. Mais c’était probablement en germe depuis l’après-guerre. A partir du moment où il y a eu un essor de la société de consommation et de l’audiovisuel, cet imaginaire a commencé à s’imposer. Et bien sûr, il a triomphé dans les années 1980, les années du fric-roi.
A ce sujet, il y a un texte de Pasolini qui m’a beaucoup marqué. C’est un texte sur la télévision publié dans les « Écrits Corsaires » : Pasolini en parle comme d’une espèce de bombe nucléaire culturelle. Pour lui, la télévision est une manière d’éradiquer complètement la culture propre des gens et de la remplacer par un imaginaire uniformisé et petit-bourgeois qui leur enlève toute estime d’eux-mêmes. C’est un texte très fort, surtout quand on pense à ce qui s’est passé ensuite en Italie avec Berlusconi. (…)

Comment s’impose cet imaginaire sarkozyste ?

Jusqu’à ce qu’il change un peu de stratégie, je pense que Sarkozy misait sur le fait que les gens s’identifiaient à lui, qu’il allait leur en mettre plein la vue. Qu’ils allaient rêver en contemplant sa vie à lui et oublier leur propre vie.
C’est aussi un discours très culpabilisant. Il y a une manière de dire : « Si je suis arrivé là où je suis, c’est uniquement grâce à mes propres efforts et mon travail ». Et donc : « Si vous n’y arrivez pas, c’est de votre faute. » Il y a chez Sarkozy une volonté de gommer tous les déterminants sociaux qui lui ont permis d’en arriver là ; c’est pourtant moins difficile de devenir président de la République si on vient de Neuilly que si on vient de Saint-Denis.
C’est la même chose avec ses ministres. Rachida Dati en est l’exemple parfait. En la nommant, l’idée était de donner l’impression d’une méritocratie parfaite, sans discriminations sociales ou culturelles. Le grand slogan étant « quand on veut on peut », ce qui est évidemment une escroquerie totale. C’est une manière de réduire au silence ceux qui auraient pu critiquer cette richesse insolente étalée par ailleurs. »

Lettre ouverte de Martine Aubry aux Enseignants-Chercheurs

Parti Socialiste http://www.parti-socialiste.fr
La Première secrétaire
Mercredi 18 mars 2009

Lettre ouverte Recherche et enseignement supérieur : le choix de l’émancipation
Madame, Monsieur,
Quel que soit votre rôle au sein des universités, des laboratoires de Recherche et de toutes les institutions dont l’objet est de produire du savoir, de le transmettre, de le valoriser, je souhaite m’adresser à vous pour vous faire part à la fois de la grande préoccupation du Parti socialiste à l’égard de vos difficultés, de son soutien à l’égard du mouvement actuel, et de nos orientations pour construire une nouvelle politique.
Le mouvement exceptionnel qui se déroule dans les universités et la Recherche intervient dans un contexte où la science est devenue centrale. De nos jours, toutes les sciences sont mobilisées pour répondre aux problèmes de notre temps, et les chercheurs sont sollicités pour proposer leurs analyses. Mais je ne veux pas m’arrêter à cet aspect, aussi essentiel soit-il. Votre rôle est en effet avant tout de produire et de transmettre des connaissances, souvent sans aucune autre finalité que celle de repousser les limites du savoir. La « magie » de la Science, si vous me permettez d’utiliser ce terme un peu décalé dans un tel contexte, est une démarche gratuite d’où naissent des avancées aux retombées aussi inattendues que spectaculaires.
Depuis maintenant plusieurs semaines, les universités sont entrées dans un mouvement dont la nature et l’ampleur sont exceptionnelles. Celui-ci fait suite aux protestations quasi-ininterrompues depuis cinq ans, période durant laquelle la droite n’a eu de cesse de négliger vos institutions, tout en maquillant les données budgétaires, pour faire croire à de prétendues augmentations là où, au mieux, vous avez constaté la stagnation. Les chiffres sont éloquents : la France est désormais à la 14e place mondiale pour son effort de Recherche et guère mieux placée pour les dépenses par étudiant. Pourtant la recherche française est reconnue internationalement pour sa qualité dans de nombreux domaines, et les universités ont réussi à accompagner le grand mouvement d’augmentation du nombre d’étudiants.
Face aux projets destructeurs du gouvernement, vous êtes fortement mobilisés. Pour autant, vous soulignez en permanence votre volonté de réforme ; vous avez prouvé votre capacité de propositions lors des Etats Généraux de la Recherche en 2004, dont le gouvernement aurait été bien inspiré de reprendre les conclusions, car contrairement à ce qu’il prétend, il ne fait que travestir ces dernières et en réalité impulse le contraire de ce qui a été préconisé.
Dès le début du mouvement, le Parti socialiste vous a exprimé son soutien, et formule des propositions pour sortir de la crise, qui concerne aussi bien le statut des enseignants-chercheurs et des doctorants, la formation et le recrutement des enseignants, le rôle des organismes de recherche, l’emploi scientifique. Nous sommes ensuite passés à une remise en question complète de la politique du gouvernement en matière d’enseignement supérieur et de recherche. Car nous vivons un de ces moments particuliers où un corps social se retrouve autour d’une réflexion sur sa place dans la société, son rapport aux citoyens et sur les conditions de son existence. Un moment où une communauté se lève pour arrêter l’offensive idéologique du pouvoir, qui
veut instaurer la concurrence entre les personnels, entre les étudiants, entre les établissements. Le combat actuel est politique au sens le plus noble du terme, parce qu’il oppose deux visions du rôle de la science dans la société. Celle de la droite réduit le savoir à sa dimension immédiatement utile ; elle sacrifie l’investissement à long terme, et la pluridisciplinarité de la recherche.
Pour la gauche, le savoir est au fondement de l’émancipation des individus. Il occupe donc une place centrale dans notre société. Celle-ci est en demande très forte de recherche, et ces demandes sont multiples. Les chercheurs, et les enseignants-chercheurs, ont donc un rôle particulier. Ils doivent à la fois interagir fortement avec la société, et rester indépendants. Interagir car les connaissances qu’ils développent peuvent apporter des réponses aux problèmes auxquels nous sommes confrontés. Mais trop de grands choix scientifiques sont faits sans débat impliquant les citoyens, ni même les parlementaires. Etre indépendants aussi, car c’est la condition de leur crédibilité, parce que la découverte ne se programme pas et que la société est parcourue d’intérêts souvent contradictoires. Dans un discours délivré le 9 mars, contrastant terriblement avec celui de notre président de la République qui a attaqué les chercheurs de manière outrancière et injuste, Barack Obama a bien formulé ce point : « promouvoir la science ce n’est pas seulement fournir des ressources, c’est également protéger une recherche libre et ouverte. C’est laisser les scientifiques (…) faire leur travail, libres de toute manipulation ou contrainte, et écouter ce qu’ils nous disent, même quand c’est gênant – surtout quand c’est gênant. »
La fonction publique offre le cadre indispensable à la liberté d’initiative des scientifiques, les universités et organismes de recherche doivent être organisés à cette fin. La précarité qui s’est développée ces dernières années du fait de l’absence de création d’emplois statutaires, puis de suppressions d’emplois, doit être résorbée. Elle est doublement préjudiciable : d’une part, elle ne permet pas à ceux qui en sont victimes de s’investir dans des projets ambitieux, d’autre part elle détourne de nombreux étudiants des métiers de la recherche. Un plan pluriannuel de création d’emplois scientifiques est indispensable, conjointement à une revalorisation des carrières dans tous les corps de métiers. On ne peut pas prétendre mettre la Recherche et l’enseignement supérieur au premier rang des priorités de l’Etat, et ne pas fournir les moyens humains nécessaires à leur développement. Pour attirer les doctorants, il faut leur offrir un vrai contrat de travail, développer les financements de thèse, valoriser la qualité de leur formation, en particulier dans les conventions collectives. Enfin, les enseignants-chercheurs doivent pouvoir s’investir au mieux dans leurs différentes missions. Chez nos voisins, leur service d’enseignement est moins lourd, et plus de personnel technique et administratif fait fonctionner les services. Une réduction du service d’enseignement doit permettre que, périodiquement, les universitaires puissent se consacrer pleinement à la Recherche. En tout état de cause, toutes les missions doivent être prises en compte dans les carrières, sur la base d’une évaluation impartiale.
Les chercheurs que je côtoie me racontent tous, le temps considérable qu’ils passent à chercher de l’argent pour pouvoir travailler, à répondre à des demandes souvent éloignées de leurs projets scientifiques réels, à gérer une lourdeur administrative croissante. Il est urgent de redonner aux laboratoires les moyens leur permettant de lancer des projets par l’augmentation de leurs crédits de base. Ceux-ci doivent reposer sur un dispositif d’évaluation qu’il faudra reconstruire pour lui donner une pleine légitimité. Enfin, le rôle des organismes publics de Recherche doit être réaffirmé, au moment où ils sont indignement attaqués par le gouvernement, tout en impulsant leur coopération entre eux et avec les universités. L’attachement très profond à la dualité de tutelles pour les laboratoires doit être respecté, car c’est une richesse de notre système.
Enfin, la Recherche privée doit être redynamisée. La politique consistant à tout miser sur le Crédit d’Impôt Recherche (CIR) est un échec : la part dans le PIB de l’investissement privé dans la Recherche baisse régulièrement. Nous devons mettre en place une politique de soutien à la Recherche privée plus efficace qui favorise l’emploi des docteurs et le développement des PME innovantes, par la réorientation du Crédit d’Impôt Recherche. C’est une politique ciblée qui est nécessaire, alors qu’aujourd’hui ce sont les grands groupes qui récupèrent la majorité du CIR.
En ce qui concerne l’enseignement supérieur, les besoins de réformes sont profonds. La loi Libertés et Responsabilités des Universités, que l’UMP a fait voter en catimini ne répond pas aux problèmes des universités, et en crée de nouveaux, comme le montre notamment la protestation des IUT. Elle met en place une fausse autonomie, car les universités n’ont pas les moyens nécessaires, et la concentration des pouvoirs est inefficace. Elle doit être remplacée par une nouvelle loi, qui replace la collégialité au coeur du fonctionnement universitaire, et respecte l’indépendance des enseignants-chercheurs. Mais cette nouvelle loi ne peut se limiter à la gouvernance.
En premier lieu, nous voulons augmenter le niveau de formation et de qualification dans notre pays : c’est une nécessité pour notre développement et un impératif pour promouvoir l’émancipation. Notre objectif est de former la moitié d’une classe d’âge au niveau de la Licence. Or les tendances actuelles sont inquiétantes : depuis quelques années, le taux de poursuite d’études des bacheliers est en baisse. Nous devons tout faire pour permettre la démocratisation des études supérieures. Celle-ci ne peut passer par des emprunts étudiants, qui forgeraient de nouvelles inégalités. L’allocation d’autonomie est une nécessité, et peut
être financée réformant les différentes aides, notamment fiscales, liées à la politique familiale. Remettre en marche un ascenseur social est une priorité. La réforme de la formation des enseignants dite de « mastérisation », que veulent imposer Xavier DARCOS et Valérie PECRESSE, est grave sous de nombreux aspects, en particulier par la suppression de l’année de stage consécutive à la réussite au concours, et de son financement. Les propositions récentes sont très insuffisantes et nous devons au contraire explorer les pistes, proposées par plusieurs associations, visant à encourager les étudiants qui se destinent aux métiers
exigeants de l’enseignement en leur offrant des financements spécifiques pendant leurs études, et en préservant le statut de fonctionnaire pendant le stage. Nous refusons la perspective d’une transformation des postes de fonctionnaires en postes de contractuels. Les études doivent concilier une formation disciplinaire associant des enseignants capables de suivre l’évolution de leur domaine, et des stages leur donnant accès à leur premier poste avec une réelle expérience de terrain.
Il s’agit ensuite de bâtir des processus de coopération entre les différents établissements d’enseignement supérieur : universités, écoles, classes préparatoires, BTS, etc. Les Pôles de Recherche et d’Enseignement Supérieur (PRES), tels qu’ils avaient été conçus dans le rapport des Etats Généraux de la Recherche (et pas tels qu’ils ont été mis en place), sont le lieu naturel de cette coopération. On ne peut en rester à une balkanisation des filières d’enseignement.
Mais pour pouvoir coopérer, il faut qu’il y ait plus d’égalité. Or les différences de financement par étudiant sont aujourd’hui considérables. Il est urgent d’augmenter les moyens des universités, afin qu’elles offrent un cadre de travail décent aux étudiants, l’encadrement pédagogique dont ceux-ci ont besoin et un suivi individualisé. Nous devons également penser la carte nationale des formations supérieures. De nombreux établissements se trouvent dans des villes moyennes, et sont très inquiets pour leur avenir en raison du Plan-Campus qui concerne une dizaine de sites et délaisse la plupart des universités ; alors même que celles-ci jouent un rôle central pour l’accès à l’enseignement supérieur des étudiants défavorisés. Elles doivent occuper une place importante dans les PRES, favoriser ainsi la mobilité de leurs étudiants entre les différents établissements composant le PRES, et permettre à leur enseignants-chercheurs de conduire leur activité de recherche dans un laboratoire du PRES.
Enfin, nous devons agir au niveau européen. Les prochaines élections sont l’occasion d’impulser enfin des débats au Parlement Européen sur l’enseignement supérieur et la Recherche. Le processus de Lisbonne est de manière évidente en forte difficulté. L’objectif d’atteindre, en 2010, 3% du PIB pour les dépenses de Recherche est hors de portée. De plus, le soutien financier européen, dont les procédures de gestion sont trop lourdes, s’adresse essentiellement à la Recherche finalisée au détriment de la Recherche fondamentale. Une réorientation de la politique européenne de Recherche est nécessaire afin de favoriser des
coopérations solides et durables, au lieu d’organiser la concurrence et offrir des financements de court terme.
A ce stade, il faut parler des aspects budgétaires. Certes, la France vit une situation économique et sociale catastrophique. C’est pourquoi les socialistes ont proposé un vrai plan de relance, fondé sur le soutien aux ménages et à l’investissement. Nous devons poursuivre nos investissements d’avenir. Depuis 2007, le gouvernement proclame qu’il augmente chaque année le budget de l’enseignement supérieur et de la Recherche de 1,8 milliard d’euros. Malheureusement, ce chiffre est mensonger : la croissance globale réelle est faible voire nulle. Par ailleurs, les choix de répartition des moyens sont mauvais : les crédits de base des
laboratoires sont au mieux en stagnation, un millier d’emplois scientifiques sont supprimés, pendant que le Crédit d’Impôt Recherche augmente de 600 millions. Une réorientation de ce budget est donc nécessaire et possible.
Ces grandes lignes doivent maintenant être déclinées plus précisément car la valeur d’une réforme tient aussi à son adéquation aux situations de terrain. C’est pour cela qu’avec nos partenaires communistes et écologistes, nous avons lancé un processus de consultation des organisations de votre secteur. Ces auditions, qui sont rendues publiques par leur diffusion sur Internet, serviront de base à un débat auquel je vous invite à prendre part. Les propositions socialistes pour l’enseignement supérieur et la Recherche s’appuieront sur ce travail collectif lancé aujourd’hui.
Pour les socialistes, la connaissance est un élément central de leur projet politique. L’éducation, de la maternelle à l’université, la Recherche, et plus généralement les services publics, exige une renaissance, pour le bénéfice de tous nos concitoyens. Nous avons besoin d’un travail collectif pour définir la politique de demain : nous comptons sur vous, pour y apporter votre contribution.

Martine AUBRY
Première secrétaire du Parti socialiste

Le président de Paris 4 appelle à continuer le mouvement et le CA « alerte solennellement les ministères concernés sur le risque désormais imminent d’une non-validation du semestre en cours » (3 Avril)

Déclaration de Georges Molinié, président de l’université Paris 4

  • «Contrairement à la teneur du dernier communiqué de la CPU, il apparaît qu’il n’y aucune raison d’amoindrir le mouvement de résistance aux projets relatifs à la formation des enseignants du primaire et du secondaire. Subsistent en effet trois dispositions inacceptables pour l’organisation de l’année 2009/2010: la suppression de l’année de formation en alternance avec le statut d’élève fonctionnaire-stagiaire après la réussite au concours; l’existence de trois statuts d’inscription au concours du CAPES pour 2009/2010; le maintien d’un lien quelconque avec un master pour cette inscription. Et je n’évoque pas la question des stages ni des formations spécifiques. Il n’y a donc pas suspension d’un an du dispositif, mais mastérisation en douce sans discussion. Dans ces conditions, on a toutes raisons pour continuer le mouvement

Texte du Conseil d’Administration de l’Université Paris-4 Sorbonne :
Depuis huit semaines, l’université française traverse une crise majeure. A Paris-Sorbonne, comme ailleurs en France, la grève des cours a été pour la communauté universitaire — enseignants, personnels administratifs, étudiants — la seule réponse possible face à un gouvernement cherchant à imposer, sans concertation digne de ce nom, une refonte complète et immédiate du statut d’enseignant-chercheur et des concours de recrutement aux métiers de l’enseignement.
Parce qu’elle a été massive, cette lutte a, d’ores et déjà, contraint le gouvernement à des concessions importantes: preuve, s’il en était besoin, que la concertation préalable n’avait pas été suffisante! Mais, sur des points essentiels, comme la formation des futurs professeurs et chercheurs, le gouvernement refuse encore d’écouter la voix de la raison et du bon sens, prétendant toujours imposer ses diktats.
Le Conseil d’administration de Paris-Sorbonne, extrêmement préoccupé par l’absence de réponses claires et satisfaisantes de la part des autorités publiques, alerte solennellement les ministères concernés sur le risque désormais imminent d’une non-validation du semestre en cours. Dans ces circonstances graves et exceptionnelles, il rappelle que toute la communauté de Paris-Sorbonne, gréviste ou non gréviste, ne souhaite qu’une seule chose: pouvoir travailler et faire travailler les étudiants dans les conditions dignes d’une université qui a vocation à former les esprits et les préparer à la vie citoyenne.
Le Conseil d’administration de l’Université Paris-Sorbonne, réuni en formation plénière le 3 avril 2009, prend acte de la reconduction des concours pour l’année 2009-2010, qui constitue une mesure positive. Comme le Conseil d’école de l’IUFM de Paris réuni le 25 mars 2009, il s’associe aux conclusions exprimées par la CDIUFM le 23 mars 2009, qui restent d’actualité à la lecture du communiqué de presse diffusé par le Ministère de l’Education nationale le 31 mars 2009. Il faut en effet attirer l’attention sur:

  • le degré de confusion et d’incohérence atteint par la réforme du recrutement et de la formation des enseignants à force d’ajouts et de rectifications successifs;
  • les mesures concernant le caractère transitoire de l’année 2009-2010, qui ne font que rajouter un peu plus de confusion et d’incohérence;
  • la juxtaposition de trois catégories d’étudiants qu’il faut désormais traiter de manière différente;
  • la nécessité de bricoler un dispositif à la hâte pour un nombre significatif d’étudiants, ceux qui préparent les concours de professeurs des écoles, des lycées professionnels, de conseiller principal d’éducation;
  • l’obligation pour la plupart d’entrer dans la logique de préparation des actuels concours et de s’inscrire simultanément dans des masters (quand ils existent) qui ont été construits dans une toute autre logique;
  • et, au bout du compte, la dévalorisation et la perte de crédibilité pour ces masters.

Il existe pourtant une solution simple, claire, cohérente, efficace et lisible: puisque l’on proroge officiellement les concours actuels, il suffit de proroger l’année qui les prépare et l’année de formation professionnelle en alternance qui les suit. Le Conseil d’administration de l’Université Paris-Sorbonne demande donc:

  • que les conditions d’inscription aux concours soient réellement les mêmes pour la session 2010 qu’en 2009, y compris pour les étudiants sortant de L3;
  • que les programmes de formation et de préparation aux concours, comme leurs lieux — en particulier les IUFM ­— soient également maintenus pour 2010/2011;
  • que le succès des candidats aux concours 2010 donne accès aux mêmes droits qu’en 2009, et notamment à une année de formation en alternance rémunérée, sans l’obligation d’obtenir un M2 l’année suivante comme condition préalable à leur recrutement comme enseignants stagiaires.

(Via le blog de Sylvestre Huet)

N. Sarkozy affirme qu’il ne reviendra « jamais » sur l’autonomie des universités

(Source : Agence : AFP // Paru le : 2009-04-07 13:16:55)
Sarkozy affirme qu’il ne reviendra « jamais » sur l’autonomie des universités
Nicolas Sarkozy a affirmé mardi dans les Bouches-du-Rhône qu’il ne reviendrait « jamais » sur l’autonomie des universités, alors qu’enseignants et chercheurs protestent depuis plus de deux mois contre certaines dispositions du texte qui l’institue.
« On l’a fait voter, franchement c’est un choix sur lequel je ne reviendrai jamais, je préfère le dire, parce que je crois profondément et en conscience que le choix de l’autonomie est fondamental », a déclaré M. Sarkozy lors d’une table-ronde sur la recherche à Venelles. « Je veux dire au monde universitaire que leur donner l’autonomie, c’est leur faire confiance (…) c’est mieux que de se retrouver au ministère des Universités pour qu’on vous dise d’un bureau parisien ce qu’on doit faire », a-t-il poursuivi. Malgré les protestations, le chef de l’Etat a jugé que « les choses progressent » sur ce dossier. Il en a profité pour rendre hommage au « courage » des présidents d’université en relevant qu’ils ne « baignent pas toujours dans un environnement spontanément attiré par la réforme ». Nicolas Sarkozy a également tenu à rassurer la communauté universitaire en affirmant qu’il ne souhaitait « absolument pas qu’on mercantilise l’université, qu’on y installe les entrepreneurs au détriment du service public ».
« Mais si on fait des études, c’est pour être bien formé, c’est pour trouver un emploi, c’est pour créer de la richesse, de la valeur ajoutée », a-t-il plaidé, jugeant « fantastique que des étudiants puissent créer des entreprises après être sortis de leurs études ».
Pour accélérer la commercialisation des brevets, le président a souhaité que les quatre premières sociétés de valorisation « puissent commencer à travailler » dès le mois de septembre.

Discours de Charles de Gaulle Le 14 février 1959 à la Cité universitaire de Toulouse

La Revue pour l’histoire du CNRS paru dans le N°1 – Novembre 1999
http://histoire-cnrs.revues.org/document484.html?format=print

Discours prononcé par Charles de Gaulle Le 14 février 1959 à la Cité universitaire de Toulouse
Texte intégral

« Messieurs les Ministres, Monsieur le Recteur, Messieurs les Doyens, Messieurs les Professeurs, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
Je vais d’abord simplement vous dire à quel point j’ai été impressionné par ce qu’il m’a été donné de voir, aujourd’hui, à Toulouse. Quand on a vu à la fois cette conjonction de la recherche fondamentale et de ceux qui s’y adonnent, de la recherche appliquée et de ceux qui la font, de l’Enseignement supérieur et de ceux qui y participent, enfin de tout ce qui est
pratiquement accompli à partir de là, on reconnaît une harmonie. Or, l’harmonie, c’est, en soi, saisissant et satisfaisant. Mais on se convainc, aussi, que l’intérêt humain et l’intérêt national sont bien servis dès lors qu’il existe cette conjonction entre les travaux et entre les hommes des deux sortes de recherches ainsi que de leurs applications.
J’ai donc vu Sud-Aviation, l’École d’agriculture d’Ondes, l’Institut d’optique électronique, l’Institut de toxicité, le Service de la carte de la végétation et des cultures, le Laboratoire électrotechnique et hydraulique, ici même la Cité universitaire. C’est vous dire que je suis fixé.

Au moment où je suis de ma vie, bref, dans mes dernières années, j’ai le sentiment, à l’université de Toulouse, de me trouver sur une plage, au bord d’un océan, celui qui peut vous porter, vous les chercheurs, vous les professeurs, vous les étudiants, vers les rivages de la découverte, afin de gagner, à partir de là, les terres inconnues du progrès. Partout paraît ici la manifestation du mouvement général de notre espèce. L’homme, aux prises avec l’Univers, c’est-à-dire d’abord avec lui-même, l’homme cherche, à sortir de soi, à accéder à ce monde nouveau, où les désirs restent infinis, mais où la nature cesse d’être limitée. Cet homme moderne regarde avec passion et avec admiration ce qui est découvert dans les cerveaux de quelques-uns, ce qui est réalisé dans les laboratoires, et ce qui est ensuite appliqué par les techniques modernes. Mais, en même temps, il est guidé par son démon, car la rivalité des États, la lutte des idéologies, l’ambition de dominer, ou bien l’esprit d’indépendance, érigent, au fur et à mesure, en armes de guerre, les moyens nouveaux destinés à améliorer la vie. Éternel combat de l’Archange et de Lucifer.
Voilà pourquoi il est indispensable que, concurremment à la formation scientifique et technique, la pensée pure, la philosophie qui l’exprime, les lettres qui la font valoir, les arts qui l’illustrent et aussi la morale qui procède de la conscience et de la raison inspirent et orientent cet immense effort d’évolution. Ce n’est pas à la faculté des sciences de Toulouse, entouré comme je le suis par les maîtres et les étudiants de diverses facultés, que j’ai à démontrer pourquoi l’éveil et le développement de l’esprit, par la connaissance de ce qui est beau et par le culte de ce qui est bon, doivent s’associer à la formation scientifique de nos
jours.
Eh bien ! La France, qui a, dans le domaine de la Recherche, tant de traditions et tant de capacités profondes, qui se trouve en plein essor de rajeunissement, qui doit absolument choisir entre le déclin ou bien l’enthousiasme pour ce qui est moderne, la France, dis-je, accueille cette transformation avec espoir et satisfaction.

Mais une pareille construction comporte plusieurs étages. À la base, il faut qu’une large partie de la jeunesse française vienne à l’Enseignement scientifique et que les étudiantstravaillent bien. Plus haut ce sont les Maîtres, dont il faut qu’ils soient en nombre suffisant et qu’ils aient les moyens voulus pour accomplir leur grande tâche. Plus haut, encore, les Chercheurs, à qui il faut l’équipement spécial nécessaire à leurs travaux et l’art de ne point cloisonner les pensées et les résultats.
Au sommet, enfin, l’État ! L’État qui a le devoir d’entretenir dans la nation un climat favorable à la Recherche et à l’Enseignement; l’État, qui, malgré le flot des besoins et le flot des dépenses, a la fonction de doter les laboratoires et de pourvoir l’enseignement. L’État, enfin, qui doit orienter l’ensemble, tout en laissant à chacun des chercheurs sa direction et son autonomie. C’est à l’État qu’il appartient de déterminer, dans le domaine de la Recherche, ce qui est le plus utile à l’intérêt public et d’affecter à ces objectifs-là ce dont il dispose en fait de moyens et en fait d’hommes. Eh bien ! La France, qui a beaucoup à faire à cet égard, constate que beaucoup a été fait et que beaucoup se fait.
J’ai nommé tout à l’heure les témoignages que m’a offerts Toulouse. J’y pourrais ajouter ce qui a été récemment accompli du côté des pouvoirs publics pour organiser au mieux ou créer ce qui devait l’être. Le Conseil supérieur de la recherche scientifique a vu sa tâche précisée. Ont été institués : le Délégué général à la recherche scientifique et technique, le Comité consultatif de la recherche, formé de savants et de chercheurs, et le Comité interministériel qui appelle les ministres et les savants à collaborer directement.
Quoi que l’on fasse cependant, tout peut dépendre, tout à coup, de l’éclair imprévu et imprévisible qui jaillit parfois d’un cerveau. Il n’y a aucune raison pour que la France n’enfante pas demain, comme elle l’a fait hier, de ces hommes exceptionnels. Peut-être est-il parmi vous celui-là qui est appelé à accomplir une découverte merveilleuse. Celui-là, je le salue d’avance, et je salue sa gloire future. Mais aussi, par-delà l’université de Toulouse, je salue l’Enseignement français, les chercheurs, les maîtres, les étudiants. En même temps, je leur rends témoignage parce qu’ils servent celui qu’il faut servir, c’est-à-dire l’homme, tout
simplement.
Oui ! Rien n’est meilleur que d’alléger le fardeau des hommes. Rien n’est plus noble et plus grand que de lui offrir de l’espoir. »

Dany Cohn-Bendit rencontre les porte-parole de la Coordination

« Sauver l’université, vite. »

Tribune de Ségolène Royal dans Libération.

A lire en ligne : http://www.liberation.fr/societe/0101559963-sauver-l-universite-vite

Extraits :

  • « Oui, le besoin de réformes est d’autant plus grand que des études récentes, notamment celle réalisée par Philippe Aghion pour l’institut Bruegel, confirment le lien entre enseignement supérieur et recherche d’un côté, croissance et innovation de l’autre. Tout montre que trois conditions sont nécessaires pour assurer de bonnes performances universitaires : des moyens financiers adéquats ; une gouvernance conçue autour d’universités autonomes et disposant de la liberté de choisir leurs enseignants ; un système de bourses pour encourager les meilleurs projets. Ce diagnostic est aujourd’hui largement partagé. Enseignants-chercheurs, professeurs et maîtres de conférences, étudiants et parents, personnel administratif des universités : tous sont lucides sur les forces et les carences de notre système supérieur, tous aspirent à des réformes justes et nécessaires. Mais ils attendent pour cela de l’impartialité dans les diagnostics, du respect dans le dialogue, de la justice dans les décisions. Par-dessus tout, ils souhaitent que le savoir et la recherche soient reconnus comme des biens publics, dégagés des contraintes du monde de l’entreprise. »
  • « Transformer l’enseignement en punition pour chercheurs jugés peu productifs et compenser ainsi la diminution des effectifs, il fallait y penser ! Le mépris pour la transmission du savoir, les contrevérités sur l’absence d’évaluation, tout indique la volonté de mettre au pas un monde où se forgent encore des esprits libres. Le coup de grâce donné aux IUFM, dont nul ne contestait la nécessaire évolution, en est le signe : derrière l’économie budgétaire, c’est un apprentissage fondamental que l’on supprime, comme si un master suffisait à former un professeur. »
  • « Combiner une augmentation des moyens, une autonomie véritable et un système d’évaluation collective. Pour nous hisser au niveau des pays scandinaves, une hausse d’environ 0,7 % des dépenses en faveur du supérieur est indispensable. Elle seule permettra d’améliorer le taux d’encadrement et donc la réussite des étudiants, deux sur trois échouant aujourd’hui en premier cycle. Il faut ensuite octroyer une véritable autonomie aux universités, sans oublier les contre-pouvoirs nécessaires pour évaluer et nommer les présidents. Enfin, un système d’évaluation collective des performances universitaires pourrait être créé, comme c’est le cas en Suède. Au terme d’un processus d’évaluation par les pairs, seraient alors récompensées les bonnes performances de recherche des départements, la qualité des enseignements et l’employabilité des étudiants formés. »

Le monde des bibliothécaires a-t-il abdiqué toute fonction tribunicienne ?

Le monde des bibliothécaires a-t-il abdiqué toute fonction tribunicienne ? Ou s’agit-il, plus généralement, de la résignation à l’air du temps, qui frappe groupes et individus ? Tout de même, quel curieux silence ! La formation initiale des bibliothécaires territoriaux passe à la trappe. Quelles réactions ? La Direction du livre est menacée de disparition. Quelle mobilisation ?
La mise à disposition de conservateurs d’Etat dans les bibliothèques municipales est considérée comme trop onéreuse, des restrictions drastiques sont envisagées. Qui s’émeut ? La Sous-direction des bibliothèques va disparaître. Quelles protestations? L’application de la loi LRU risque de fragiliser les SCD. Quelles prises de position ?

Quelle différence avec les années 1970 ! En 1973, l’ABF fait paraître « le livre noir des bibliothèques universitaires ». La disparition (le « démantèlement », disait-on alors) de la DBLP en 1975 suscite grèves et manifestations – et, même, un rassemblement de bibliobus dans la cour de la BN ! – et les protestations d’élus locaux. A la fin des années 1970, la diminution des budgets publics (la « courbe de Giscard ») mobilise associations et partis politiques.
Aujourd’hui, on est dans l’entre-soi, les discussions sont internes à chaque corporation, toute solidarité active semble avoir disparu, aucun débat public ne s’esquisse. Comme si l’on (l’enseignement supérieur, la Culture, les territoriaux, la BnF…) vivait chacun dans son pré carré (là où l’herbe est plus verte !). Et comme si les bibliothèques étaient les victimes désignées et résignées des réformes, la variable d’ajustement qui permet d’afficher des économies.
Le moment ne serait-il pas venu, au contraire, de profiter de la conjoncture pour traiter enfin (après l’occasion ratée des BMVR) la question de l’aménagement du territoire en bibliothèques, la question d’une politique documentaire nationale ? Avec des établissements forts et structurants qui travaillent aussi au bénéfice des plus petits (le système d’écluses suggéré par Michel Melot il y a plus de vingt ans !), des outils collectifs, des objectifs communs. Des discussions, des débats, une concertation. Une ambition. Ou bien les bibliothèques sont-elles entrées dans la lutte de tous contre tous ?

Editorial d’Anne Marie Bertrand, directrice de l’ENSSIB.

Consultable en ligne : http://www.enssib.fr/npds/sections.php?op=listarticles&secid=17

Danièle Hervieu-Léger démissionne du comité de la recherche et de l’innovation

(A lire sur ARHV)

« Nommée en octobre 2008 présidente du « Comité de pilotage pour une stratégie nationale de la recherche et de l’innovation », Danièle Hervieu-Léger avait dû subir en direct la désastreuse intervention de Nicolas Sarkozy du 22 janvier. Celle qui était alors présidente de l’EHESS avait qualifié ce discours de «brutal et chargé de mépris». Pourtant, malgré l’interrogation de nombreux collègues, elle avait choisi de ne pas quitter le comité de pilotage, ne souhaitant pas mettre Valérie Pécresse en difficulté.

Avec la fin de son mandat à la direction de l’Ecole et l’élection de son successeur, François Weil, le 7 mars dernier, Danièle Hervieu-Léger a retrouvé sa liberté de chercheuse. Prenant acte de l’échec de la mission du comité, dont les travaux sont interrompus, elle a présenté sa démission de ses fonctions à la tête de cette instance. Un geste qui met fin à la fiction d’une définition d’une « stratégie nationale de la recherche et de l’innovation » par un gouvernement visiblement incapable d’en apprécier les enjeux. »

la Présidente de l’université Paris Ouest Nanterre écrit au Premier Ministre

Veuillez trouver ci-dessous la lettre que la Présidente de l’université a adressée au Premier Ministre à la date du 23 mars 2009.

Nanterre, le 23 mars 2009
La Présidente,
À
Monsieur le Premier Ministre

Monsieur le Premier Ministre,
Que l’Université française ait besoin d’un nouvel élan est aujourd’hui une idée largement admise. Je peux vous assurer qu’elle est amplement partagée par la communauté universitaire. Depuis son installation, votre gouvernement s’emploie activement à engager des réformes cohérentes avec la logique politique qui est la vôtre. Aujourd’hui cependant, il faut me semble-t-il se rendre à l’évidence : malgré ce que Madame la Ministre et vous-même dans vos propres déclarations avez présenté comme des ouvertures, ces réformes sont quasi unanimement rejetées. Les tensions s’exacerbent, chacun peut le constater. Je tiens, en tant que présidente d’université, à vous faire part des très vives inquiétudes qui sont les miennes.
Faute de réponse appropriée, les différents mouvements de protestation se radicalisent. L’absence de prise en compte de leurs revendications et la poursuite de ces mouvements, en mettant en péril le second semestre d’enseignement, déconsidèrent le projet de réforme, qui ne peut plus prétendre oeuvrer pour le bien de l’enseignement supérieur et de la recherche en France. Je vois (qui ne le verrait pas) s’accumuler dans les semaines qui viennent de très grandes difficultés. L’Université peut-elle être mise en mouvement pour affronter l’avenir ? Oui, j’en suis certaine. Face à l’évolution du monde universitaire au plan international, il faut agir et mobiliser l’ensemble de la communauté universitaire. De plus, nombre de solutions aux difficultés économiques et sociales de la période passent par une nouvelle intelligence collective de notre société. Dans cette construction, les universitaires et les chercheurs, avec bien d’autres, dont les travailleurs intellectuels de demain que sont nos étudiants, doivent jouer un rôle irremplaçable dans les réflexions de fond qui restent à mener. Pour mobiliser de manière constructive la communauté universitaire et la richesse de réflexion et de propositions qu’elle représente, deux conditions me paraissent devoir être réunies :

  • – rétablir un climat de travail serein en suspendant, sans équivoque, la mise en oeuvre des hypothèses de changement qui ont prévalu jusqu’ici ;
  • – faire appel aux forces vives de l’Université pour construire avec elles, et tous ses partenaires, dans le respect et le dialogue, une nouvelle dynamique à la hauteur des enjeux.

Souhaiter une Université mobilisant toutes ses forces pour explorer avec audace des chemins nouveaux, passe par une confiance renouvelée et la reconnaissance de l’indépendance et de l’autonomie réelle de la communauté universitaire. Ces deux dimensions sont indispensables pour reconstruire un partenariat fortement mis à mal par des réformes si mal engagées.
Monsieur le Premier Ministre, la situation telle que je la perçois est grave et dans les universités l’horizon proche est lourd de menaces. Je suis persuadée que vous saurez rétablir les conditions minimales du dialogue républicain.
Je vous prie de recevoir, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de ma plus haute considération.
Bernadette MADEUF
N.B. : face à l’inquiétude de la communauté universitaire, je l’informe de cette démarche.

La présidente de l’UBP critique les réformes

A l’université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand 2, les étudiants sont mobilisés depuis début décembre 2008 et les enseignants-Chercheurs et les autres personnels suivent un mouvement de grèves et d’actions variées depuis le 3 février.
Il viennent aujourd’huide recevoir le soutien de la présidente de leur université sous la forme d’un article dans le journal La Montagne. Nadine Lavignotte critique les réformes et affirme partager l’inquiétude des personnels et des étudiants qui se battent depuis sept semaines. Elle conclut que « chacun doit se rendre compte qu’un  désengagement des instances nationales aurait des conséquences très graves pour la survie du site auvergnat ».
Voir le texte intégral : position-nl-reformes.pdf

JP Finance (président Nancy 1) appelle à la délation.

« Pour info, voici le courrier qui vient d’être adressé aux responsables de formation par notre président JP Finance. En ces temps où le monde universitaire est calme et serein, voici les activités principales de notre ami : incitation à la délation, remise des palmes académiques « aux plus méritants d’entre eux », se faire élire au bureau de l’EUA (« European University Association ») le 19 Mars pendant que les couillons battent le pavé… »

courrier-de-jp-finance.pdf

Où l’on comprend mieux la « gratuité » promise par le chef de l’état pour les lycées français à l’étranger …

Source : http://www.paperblog.fr/1720880/lorsque-l-on-sait-que-p-tit-louis-le-dernier-rejeton-sarkozy-est-scolarise-depuis-septembre-a-dubai-l-article-s-eclaire-d-un-jour-nouveau/

Le Canard Enchaîné avait également fait part de cette information.

« Pendant que le gouvernement ratiboise les effectifs des profs, Sarkozy veut imposer une réforme géniale. Il a décidé d’offrir aux expatriés la gratuité des écoles et lycées français de l’étranger. Un cadeau sympa, non ?
Sauf qu’il va surtout profiter aux plus aisés, et que l’addition, pour l’Etat, s’annonce carabinée. Ces écoles, très côtées étaient jusqu’à présent payantes. Certains lycées sont des établissements publics, d’autres, privés sous contrat. En tout 160000 élèves y sont scolarisés, dont 80000 français. Sous la tutelle du Quai d’Orsay, chaque établissement fixe assez librement ses tarifs et ça atteint des sommets: 5 500 euros l’année à Tokyo, 6500 à Londres, 15000 à New York et 17000 euros -le record- à San Francisco. Au diable l’avarice ! Pour les expatriés modestes, un système de bourses plutôt généreux est déjà en place.
A New York, par exemple, il faut gagner moins de 65000 euros par an -pas vraiment le smic- pour décrocher 4500 euros d’aide. Environ un quart des élèves français bénéficient d’une bourse. Mais pour Sarko, ce n’était pas assez. Depuis l’an dernier et à la demande express de l’Elysée, l’Etat prend en charge l’intégralité des frais de scolarité des élèves français de terminale… quels que soient les revenus des parents. Plus besoin de bourse ! A la rentrée de septembre, ce sera le tour des premières, puis des
secondes l’an prochain, et ainsi de suite.  » J’aurais pu commencer la gratuité par la maternelle, a expliqué Sarko,
le 20 juin dernier, devant la communauté française d’Athènes. Mais j’ai voulu commencer par l’année la plus chère pour que vous puissiez constater la générosité des pouvoirs publics français. » Encore merci !
Mais générosité pour qui ?
A Londres, l’une des familles concernées par ce généreux cadeau déclare plus de 2 millions d’euros de revenus annuels. Et deux autres gagnent plus d’un million. Jusqu’alors, une partie du financement était assurée par des grandes entreprises françaises désireuses d’attirer leurs cadres vers l’étranger. Ces boites, comme Darty ou Auchan, rentrent déjà leur chéquier : pourquoi payer les frais de leurs expat’ si l’Etat régale ?

Un coût qui fait boum
Au Quai d’Orsay, l’Agence française de l’enseignement à l’étranger a simulé le coût de cette plaisanterie mais s’est bien gardé d’en publier le résultat. Lequel est tout de même tombé dans les palmes du « Canard ». D’ici dix ans, appliquée du lycée jusqu’au CP (sans parler de la maternelle), la gratuité coûterait à l’Etat la bagatelle de 713 millions d’euros par an ! Intenable !
La vraie priorité, c’est l’ouverture de nouveaux établissements, pas la gratuité.

Mais pourquoi Nicolas Sarkozy s’est lancé la dedans ?
Peut-être parce qu’il se sent personnellement concerné par la question : après avoir été annoncé à New York puis à Londres, petit Louis est finalement inscrit au lycée français de Doha à Dubaï
Et il va falloir payer !
Auditionné par le Sénat à la fin juin, Bernard Kouchner n’a pas nié ces menus « inconvénients ». Son cabinet songe d’ailleurs à couper la poire en deux : une gratuité partielle… mais toujours sans conditions de revenus. Sauf que, pour le moment, Sarko n’en veut pas. « Je tiens beaucoup à la gratuité », s’entête-t-il à chaque déclaration à l’étranger. Sans prendre le temps de préciser comment sera financée cette très généreuse gratuité ! »