CONFIDENTIEL. Masterisation : un projet de circulaire précise l’organisation des 108 heures de stage

CONFIDENTIEL. Masterisation : un projet de circulaire précise l’organisation des 108 heures de stage

Xavier Darcos devrait communiquer d’ici la fin de semaine sur le thème de la masterisation. Selon les informations recueillies par l’AEF, le ministère de l’Éducation nationale « discute » actuellement avec les syndicats enseignants du cadre d’une prochaine négociation. Cette dernière pourrait notamment porter sur la possibilité d’accorder une décharge de service aux enseignants stagiaires, sur l’organisation des 108 heures de stage, sur les missions de la commission de suivi de la masterisation ou sur le caractère transitoire de la réforme.

Un projet de circulaire relatif à l’ « offre de stages pour les étudiants en master se destinant aux métiers de l’enseignement », en
cours d’élaboration pourrait servir de base à ces négociations. Ce texte de travail, dont l’AEF a eu copie, devrait être adressé « aux recteurs de métropole, des DOM, aux IA-IPR ainsi qu’aux chefs d’établissements ».
Il réaffirme les annonces faites le 15 janvier par Xavier Darcos et Valérie Pécresse concernant les stages d’observation et de pratique accompagnée d’une part, et les stages en responsabilité d’autre part et précise leur organisation.

« Afin de mieux aider les futurs candidats dans leur préparation, les académies proposeront aux étudiants de master une offre de stage diversifiée », « dès l’année scolaire et universitaire 2009-2010 » « pour prendre en compte le caractère professionnalisant du concours », rappelle le texte en préambule.

STAGES D’OBSERVATION OU DE PRATIQUE ACCOMPAGNÉE. Au cours de ces stages, proposés aux étudiants de M1 et de M2, « les stagiaires seront présents par binôme dans chaque classe ». Le projet de circulaire précise qu’ « en M2, les stages d’observation et de pratique accompagnée seront proposés en priorité aux étudiants qui n’ont pas pu en bénéficier précédemment ». A travers ces stages, les étudiants pourront « participer à des situations concrètes d’enseignement mais aussi, plus généralement, [?] partager certains moments de la vie quotidienne d’un enseignant ou d’un conseiller principal d’éducation ».
« Le stagiaire pourra découvrir la manière dont un enseignant conçoit et met en ?uvre son enseignement », précise le document. « L’organisation du travail de la classe, la prise en compte de la diversité des élèves, la façon de les évaluer feront aussi l’objet d’une attention particulière. »
« Le stage pourra être l’occasion de travailler au sein de l’équipe éducative et avec le personnel de direction. Les relations avec les parents d’élèves feront également l’objet d’une initiation. »
« Chaque stage donnera lieu à une ou plusieurs mises en responsabilité concrète, telles que, par exemple, la préparation et la conduite d’un cours ou d’une séquence d’enseignement, le suivi d’un projet de classe, la préparation ou la conduite d’une évaluation, l’encadrement d’une partie de la classe, des remises à niveau, l’aide à la préparation d’un conseil de classe, etc. », indique le texte.

STAGES EN RESPONSABILITÉ. « Ces stages, groupés ou filés, d’une durée n’excédant pas 108 heures seront préférentiellement proposés aux étudiants de master 2, admissibles ou non, qui ont déjà pu suivre un stage de pratique accompagnée. »
Ces stages « présenteront des modalités différentes selon les niveaux d’enseignement. Dans le premier degré, ils pourront être utilisés pour compenser les décharges de directeurs d’école ou pour remplacer des enseignants en formation continue. Dans le second degré, ils serviront pour pourvoir aux remplacements prévisibles, en particulier la formation continue et aussi pour le renforcement de l’offre d’enseignement dans le cadre du projet d’établissement ».
Le texte prévoit que « les écoles ou établissements désigneront pour chaque stagiaire en responsabilité, un enseignant référent ».

MODALITÉS DE MISE EN OEUVRE. « Au moins 50 000 stages d’observation et de pratique accompagnée permettant d’accueillir un minimum de 100 000 étudiants de M1 et de M2 seront organisés ; au moins 50 000 stages en
responsabilité seront offerts aux étudiants de M2. »
« Un candidat ne pourra bénéficier que d’une seule offre de stage par an et par type de stage, même en cas de candidatures à plusieurs concours. À compter de l’année scolaire et universitaire 2010-2011, les candidats ayant déjà bénéficié des dispositifs ci-dessus se verront une nouvelle fois présenter une offre de stage, à condition de continuer à remplir les conditions universitaires requises, même s’ils inscrivent dans un autre concours que celui qu’ils ont déjà présenté. »
Les deux types de stages « feront l’objet de conventions entre les universités et le ministère de l’Éducation nationale ».
« Dans la mesure où ils participent pleinement au service public de l’éducation, les établissements privés sous contrat ont tout à fait vocation à accueillir des stagiaires. »

« LARGE CONCERTATION ». Enfin, le ministère demande aux destinataires du texte « de tout mettre en ?uvre pour assurer la plus large diffusion des informations contenues dans la présente note ». Ils devront, « avant le 20 mars », prendre contact avec « les présidents d’université pour envisager avec eux les modalités d’application de ces nouvelles dispositions ». Par ailleurs, devront « être associés », « dès à présent », « les chefs d’établissement et les corps d’inspection à l’organisation de l’accueil des étudiants stagiaires.

===========Ci-dessous une première analyse de ce projet de texte============

1. AUCUN CADRAGE VÉRITABLE. Les formulations n’ont rien de contraignant pour les concepteurs des formations : « une offre de stages sera proposée », « les étudiants pourront découvrir »… On pourrait donc très bien voir s’ouvrir des masters enseignement sans stage en responsabilité. Cette circulaire n’est pas un texte de cadrage national pour les stages, mais un protocole de rédaction de conventions entre les universités et l’éducation nationale. Sont confirmés le risque d’inégalité territoriale et d’éclatement des repères nationaux structurant l’identité professionnelle. Il y aura des profs modèle bourguignon, modèle picard,… et au sein d’une même région, des profs modèle Paris 10, modèle Paris 12, etc. qui se distingueront notamment par le poids très différent des stages dans leur master. Au bout du compte, certains PE auront eu un stage filé, d’autres un stage massé, d’autres rien du tout ! Il serait étonnant que les syndicats les plus représentatifs participent à de telles négociations, d’autant que la plupart demandent le report de la réforme (cf. encore aujourd’hui la position très claire de l’UNSA).

2. UN PLAN INGÉRABLE. Si la réforme est appliquée telle quelle, les étudiants préféreront concentrer leurs efforts sur l’essentiel, la réussite au concours en M2. Les étudiants salariés qui ne pourront pas abandonner leur travail pendant la durée des stages en seront-ils dispensés ? Dès lors, il est prévisible que certaines offres de stages seront délaissées… Mais avec aussi peu de visibilité, comment les IA ou les IPR pourront-ils préparer les plans de FC (assis sur ces stages) ou assurer de façon fiable les décharges des directeurs du premier degré ?

3. DES ENGAGEMENTS INTENABLES. Dans les académies où il y a le plus grand nombre d’étudiants qui préparent les concours, comment garantir que tous pourront avoir un stage en pratique accompagnée et un stage en responsabilité, alors qu’il faudrait pour cela multiplier le nombre de journées de stage par 5 ou 6 ! Faudra-t-il envoyer les étudiants des masters PE de Toulouse, tout frais payés, à Valenciennes ou à Longwy ? La solution adoptée, semble-t-il, est de fonctionner à offre constante : en M2, il y aura 50 000 stages en responsabilité, alors que le nombre de candidats aux concours est de 140 000  (chiffres de 2008). Au bas mot, il manque donc 90 000 stages !

4. UN CERCLE VICIEUX : « Combien voulez-vous de stages ?  Nous ne savons pas, car nous ignorons combien nous aurons d’étudiants et nous ne savons même pas si nos maquettes seront validées. » Le MEN demande aux recteurs de prendre contact avec les universités pour lancer la campagne de préparation des stages : « Ils devront, « avant le 20 mars », prendre contact avec « les présidents d’université pour envisager avec eux les modalités d’application de ces nouvelles dispositions» ». Mais les universités répondront qu’elles ne connaissent pas précisément le nombre d’étudiants qui s’inscriront dans leurs masters, car ceux-ci ne sont pas encore ouverts à l’inscription (soit ils ne sont pas remontés auprès de l’AERES, soit, s’ils sont remontés, ils ne sont pas prêts d’être évalués).

5. UNE CONCEPTION HYBRIDE. Un stage n’est pleinement utile que s’il donne lieu à des visites de formation, par des formateurs. Rien n’est prévu dans ce domaine (le texte n’utilise pas le mot « formateur »). Un stage de formation n’est pleinement formateur que s’il s’inscrit dans une dynamique : avant le stage on prépare la classe, après on exploite les observations et on traite les questions, pour pouvoir rebondir sur un autre terrain avec des compétences fortifiées. Mais il n’y aura qu’un seul stage en responsabilité et rien n’est dit sur sa préparation, rien non plus su son exploitation…

6. On retrouve la gratification de 3000 euros pour les 108 heures… On se demande toujours d’où sort cette somme, car c’est plus de deux fois le salaire d’un PE ou PLC-stagiaire. Peut-être le MEN veut-il ainsi se caler sur le salaire mensuel de 4500 euros du prof annoncé par Darcos en novembre ?

On a rarement vu une si grande improvisation. La « farce » (dixit la CPU en début d’année) continue. Il serait bon que les syndicats fassent des déclarations claires pour refuser ce marché de dupes.

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